A BASTILLE, SHIRIN NESHAT DONNE UN « AIDA » IMPOSANT ET FOISONNANT

« Aïda » – Opéra en quatre actes (1871) de Giuseppe Verdi – Livret Antonio Ghislanzoni – Mise en scène et vidéo : Shirin Neshat – Direction musicale : Michele Marioti – à l’Opéra Bastille, Paris, jusqu’au 4 novembre 2025.

Le très attendu Aïda de Shirin Neshat créé pour le Festival de Salzbourg de 2017 est arrivé sur le plateau de Bastille.

En Egypte, le général égyptien Radamès et l’esclave éthiopienne Aïda sont amoureux mais des nuages se profilent sur leur idylle car la guerre avec l’Ethiopie est déclarée et c’est Radamès qui doit combattre le peuple de son aimée. Dans le même temps la fille de Pharaon Amnéris a des vues sur Radamès. La victoire des troupes égyptiennes est totale et vaut un triomphe à Radamès, Pharaon offre sa fille Amneris en mariage au général tiraillé entre sa loyauté et son amour…

L’artiste iranienne propose une version imposante et en même temps intime du drame de Verdi : En effet, occupant la majeure partie de la scène un immense cube gris qui tourne sur lui-même, il peut s’ouvrir en deux pour devenir un temple ou une tombe, les chanteurs sont le plus souvent devant ce cube et donc à proximité du quatrième mur. La surface du cube sert d’écran pour des projections qui sont pas toujours pertinentes mais la proximité avec les spectateurs provoque une forte impression surtout lors des scènes où on détaille des corps et des visages comme la scène de bataille du second acte. L’effet serait très amoindri si la vidéaste iranienne avait choisi ces mêmes projections en fond de scène. Les lumières, pleine d’ombres, de Felice Ross et les costumes, sombres pour la plupart, ajoutent à cette ambiance un côté fantomatique à l’intensité dramatique parfaitement aboutie.

Niveau casting, les deux protagonistes féminines sont la blonde Eve-Maud Hubaux (Amnéris) face la brune Ewa Plonka (Aida) qui a remplacé en dernière minute Saioa Hernandez souffrante. Le contraste est fort réussi. Si la voix d’Eve Maud Hubaux semble peiner au début, elle est parfaite lors des moments dramatiques et le jeu impliqué de la chanteuse fait le reste. La soprano Ewa Plonka nous livre une version parfaitement maitrisée où l’expressivité de son jeu se dispute à la clarté puissante de sa voix. Notons aussi Magarita Polonskaya qui incarne une prêtresse à la voix remarquable, se mêlant avec harmonie au chœur imposant des femmes pour offrir une cérémonie religieuse très solennelle.

Côté masculin, Alexander Köpeczi dans le rôle de Ramfis : basse puissante et ronde avec un jeu ambivalent à souhait pour incarner sa position de grand prêtre qui apparait en premier sur scène, il sera face à Piotr Beczala (Radamès) qui recevra un triomphe du public tant sa voix porte avec justesse de nombreuses subtilités (son ‘Céléste Aida’ sera un triomphe dès le premier acte) et son jeu est très maitrisé.

Roman Burdenko est Amonasro, le roi d’Ethiopie et père d’Aida, est un roi déchu, prisonnier de guerre totalement engagé dans la résistance et sa voix un peu rauque colle bien à son personnage. Krzysztof Baczyk est Pharaon, très digne dans sa tenue sobre avec une voix austère qui sied à sa fonction. Enfin, Manase Latu est le Messager qui s’acquitte de sa mission avec clarté et sobriété.

La direction musicale n’est pas exubérante comme on aurait pu s’y attendre. Au contraire, elle se révèle particulièrement efficace sur les passages dramatiques, Michele Mariotti choisi une direction allègre mais nuancée. le Chœur de l’Opéra national de Paris, préparé par Ching-lien Wu, est parfait comme à son habitude, apportant ampleur et intensité.

Le public ne s’y trompe pas et ovationne les chanteurs et les musiciens avec une belle intensité.

Valérie Leah

Crédits photos : © Bernd Uhlig / OnP

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