INFERNO

LISBETH GRUWEZ : AH/HA / au Théâtre de la Bastille du 18 au 20 mars 2015 / le 25 mars à Rennes au Triangle / le 27 mars à la Passerelle Saint-Brieuc, Festival 360°.

Après son magnifique solo It’s going to get worse, and worse and worse, my friend, Lisbeth Gruwez, la « guerrière de beauté » de Jan Fabre continue d’explorer le thème de l’extase avec AH/HA, sa première pièce de groupe.

Ici, le rire est un matériau brut qui travaille et tord la chair, une force surnaturelle libérant l’énergie des corps contraints. « Virus qui se propage », comme l’explique la danseuse flamande, le rire, forme le groupe par sa puissance puis le déforme par son rictus.

Cinq danseurs, aux tenues excentriques, se tiennent, sur le plateau vert gazon, à saine distance les uns des autres. Aux sons d’étranges grincements métalliques, semblables aux bruits des ressorts d’un vieux matelas, ils commencent à frissonner. Les corps hoquettent, submergés par d’infirmes secousses tandis que les visages béats évoquent les ébats amoureux, avant la jouissance.

La scène est ainsi parcourue par une énergie à double détente. D’une part, AH/HA esquisse le mouvement concentrique des corps qui d’abord isolés se soudent et s’aimantent pour former un corps social uni. D’autre part, elle met en scène le débordement extatique : la beauté éclatante d’un corps éclaté par une puissance qui le dépasse. En cela, AH/HA est une magnifique contredanse, puisque les gestes n’obéissent plus à la seule volonté.

Mais plus tard, les masques tombent, les visages riants n’évoquant plus que la frayeur et l’effroi. Car si AH/HA mime la résonance du rire fou, la pièce porte également les stigmates de son ambivalence. Ainsi, la création de Lisbeth Gruwez déploie avec émotion l’envers et l’endroit du rire, à l’image de la structure en chiasme de son titre qui confronte les deux interjections : le « ah » sarcastique et le « ha » étonné.

Lou Villand