INFERNO

Lausanne, correspondance. 

« Là » – Baro d’evel – Au théâtre de Vidy-Lausanne du 22 septembre au 2 octobre 2022.

Un vide rempli de blancheur et un son : un LA continu, une ligne sonore que l’on perçoit à peine. Lui arrive par les pieds, déchirant la paroi. Vêtu d’un complet noir et d’une chemise blanche, muni du pied d’un micro. Un grand dégingandé, touchant, un peu confus, bafouillant ses doutes sur le plein et le vide. Soudain, une sorte d’alter ego à plumes traverse cette page blanche, un corbeau pie, qui lui vole son texte. Puis, elle surgit, naissant d’une autre déchirure, égarée, robe noire et pieds nus. Sa voix, envoûtante, enveloppe les lieux.

Toujours sur le fil du doute, de l’hésitation, une danse s’installe entre eux. Gestuelle, chant, paroles, corps. De savants déséquilibres, des portés désaxés. La stabilité perturbée, mais harmonieusement dansée. Le désaccord, la lutte, puis l’étreinte. Le cri, entre surprise et plaisir, une plénitude? Une rencontre. Alors, il faut se raconter, mais comment? « Si…alors…il suffit…on n’a qu’à…puisque tout est… » Il veut avancer, elle est bloquée. C’est un arrachement qui fait trembler. Pas facile de se mettre au diapason, de s’accorder, d’accéder au calme, de trouver la référence: ce « la » commun qui harmonise l’ensemble.

S’arrêter. Prendre soin. Caresser l’oiseau. Etre là.

Leurs gestes et mouvements laissent des traces, un environnement se crée. D’abord à leur insu puis volontairement, un paysage naît. Noir sur blanc. Avec le contraste, le cadre jusqu’alors immaculé de la scène prend vie. Un rythme s’inscrit, une ligne se dessine, un sens se révèle.

Finalement, le noir de leurs costumes s’estompe. La poussière de craie les a grisés. Les voilà qui s’élèvent dans une nouvelle nuance.

Reste l’oiseau noir et blanc qui passe d’un corps à l’autre avec confiance.
Ainsi que le tableau, né de cette danse humaine aussi élémentaire que fondamentale.

On se laisse emporter avec ravissement dans cet univers burlesque et sensoriel, dont les trois acteur.ice.s peignent l’atmosphère émouvante et drôle.

A l’instar de leur précédent opus « Bestias », « Là » est un spectacle tout public qui laisse la place à l’imagination poétique de chacun.

Martine Fehlbaum,
à Lausanne

*Avec Gus, Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias.