STEVE PAXTON, JURIJ KONJAR : « BOUND », AU FESTIVAL D’AUTOMNE

Bound - (c) Nada Zank 1

Steve Paxton, Jurij Konjar, Bound. / Au Théâtre de la Ville, du 22 au 27 octobre 2015, dans le cadre du festival d’Automne à Paris.

Bound est un solo que Steve Paxton créé et interprète en 1983. Avec Jurij Konjar, il en propose ici une recréation pour le Festival d’Automne à Paris. Recréation, car basées sur le principe de l’improvisation, les deux versions ne souffrent pas d’une exacte comparaison. Chacun des deux interprètes prêtent leur corps, à la texture et à l’historicité particulières, à cette pièce qui a traversé trois décennies d’innovations chorégraphiques en tous genres.

Steve Paxton est passé par la danse postmoderne américaine. En 1960, il cofonde le Judson Dance Theatre avant de se plonger dans la technique du Contact-improvisation. Jurij Konjar est un danseur slovène qui mêle une pratique de la danse de salon et une formation à P.A.R.T.S. avant de collaborer avec de nombreux chorégraphes européens. Ce dernier donne à Bound de la rondeur et de la fluidité. Son dos se torsade, ses appuis pivotent sur le sol et ses bras balaient l’espace dans des mouvements circulaires. Une force emplie de douceur accompagne son interprétation et lui donne une coloration apaisante.

Mais l’improvisation est ici réglée par des gestes qui, comme des petits rituels anodins, ponctuent la danse de références diverses. La projection de motifs militaire puis baroque renvoie à des signes de pouvoir qui contrastent avec la liberté acquise par la technique de l’improvisation. Un rocking-chair et un landau de bois, des planches dont seule une tranche est colorée, plongent l’une des scènes de la pièce dans un univers sauvage. Tel Walden[1] dans sa cabane ou un pionnier américain du début du siècle dernier, le danseur rayonne dans un univers simple, réglé par une volonté nue, née de sa solitude sur le plateau.

Liant des éléments disparates, les âges et les images, Bound est aussi une pièce qui tend vers une saine simplicité. Ici, la composition est tranquille. Chaque séquence donne à voir quelque chose d’entier. Jurij Konjar prend son temps et s’arrête parfois, assis dans un carton qu’il porte avec des bretelles. Image cocasse. Mais image-intrigue aussi. L’écriture de la pièce nous laisse ainsi sentir les tensions qui la traverse sans pour autant nous les désigner telles quelles. Une part de mystère est laissée et l’on ne décèle ici nulle intellectualisation qui, chez certains chorégraphes actuels, gâche le plaisir du spectateur.

Performance pour un présent qui apaise, Bound est une petite pépite qui associe un travail de danse fondé sur l’improvisation, une composition picturale fragmentaire mais lisible, et une écriture simple dont l’encre semble suivre le courant d’un ruisseau.

Quentin Guisgand

[1] Henri David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois, 1854

Bound - (c) Nada Zank 2

Photos Nada Zank

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