INCENDIES, VERSION STANISLAS NORDEY

Incendies de Wajdi Mouawad / mise en scène de Stanislas Nordey / Théâtre d’Ivry Antoine Vitez

« Nous sommes fait de mémoire et d’oubli et cet oubli joue un rôle extrêmement important dans notre capacité à nous reconstruire en permanence, à nous adapter, à changer ». Jean-Claude Ameisen

Incendies est une tragédie, comme celles des antiques, miraculeusement écrite par un homme de notre époque: une intrigue incestueuse, fourmillant d’influences littéraires, capable d’hypnotiser le spectateur le plus indiscipliné. Incendies est le second volet d’une tétralogie composée de Littoral, Incendies et Forêts, dont le thème clé est l’origine.

L’histoire est, comme souvent dans le théâtre de Wajdi Mouawad, une histoire de famille: un conte généalogique où les femmes sont les personnages principaux. Incendies suit le destin d’une femme, Nawal, prise dans les filets d’un conflit qu’elle n’a pas choisi et qui, pour retrouver son enfant disparu, est prête à aller « jusqu’au bout ». Pour pouvoir maintenir une promesse qu’elle n’a pu tenir, elle demande, dans son testament à Jeanne et Simon, ses deux enfants jumeaux, de trouver leur père qu’ils tenaient pour mort, et leur frère, dont ils ignoraient jusqu’à l’existence. Mais cette douloureuse recherche met en péril la quiétude des vies de Jeanne et Simon. Ils sont sur le point de découvrir des horreurs insoupçonnées, la vie « héroïque » de leur mère dans son pays natal, mais surtout leur origine abominable.

Dans cette histoire, le passé pèse plus que le plomb: il laisse la place à tous les absents dans un mouvement d’images et de sensations. L’absent, celui au quel on ne prête pas attention d’ordinaire, que l’on déconsidère par définition, en réalité, subjugue le présent. L’absent est toujours présent, et il faut bien partir à sa recherche pour découvrir ce que nous sommes.

Dans la mise en scène de Stanislas Nordey, le personnage de Nawal est décliné selon les trois âges de la vie : la jeune femme, la femme mûre et la vielle femme. Cette division permet au spectateur de suivre le fil de cette histoire qui n’a pas de linéarité chronologique tant les scènes du passé se mélangent aux contemporaines. La mise en scène de Nordey est très juste et convaincante: il parvient à nous raconter cette longe histoire sans jamais nous ennuyer, et ce dans une atmosphère de tension et d’attente permanente. Le plateau est vide et les costumes sobres, noir et blanc, contribuent à l’austérité d’une mise en scène forte et bouleversante qui n’a pas besoin de décor pour donner l’impression au spectateur de voyager dans le temps et dans l’espace. Pour signaler les changements d’espace et de lieu, un gong est suffisant. Les comédiens choisis par Nordey sont tous fortement engagés dans des personnages très typés, sans tomber pour autant dans la caricature. Parmi eux, Lamya Regragui, qui interprète Sawda, l’amie de la jeune Nawal, est d’une intensité extraordinaire et féroce.

Camilla Pizzichillo

Incendies de Wajdi Mouawad / mise en scène de Stanislas Nordey / a été joué du 30 avril au 27 mai 2012 au Théâtre d’Ivry Antoine Vitez

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