« NOUVEAU ROMAN » : CHRISTOPHE HONORE PEU INSPIRE
FESTIVAL D’AVIGNON : Nouveau roman / Mise en scène : Christophe Honoré / Cour du Lycée Saint-Joseph / Festival d’Avignon 2012.
Avignon, envoyé spécial.
D’emblée, le public découvre sur le plateau du Lycée Saint-Joseph un décor «formica» d’époque. Puis les acteurs arrivent au plateau et sont dûment présentés, protagonistes de cette époque du Nouveau roman et du petit groupe de «révolutionnaires de l’écriture» autour des «Editions de minuit».
Christophe Honoré, avec cette présentation directe, a déjà pris le parti de la distance, biaisant un tant soit peut la réalité de ce qui va advenir durant ces quelques trois heures trente. Des hommes jouent des femmes et vice-versa.
Dès le début, le metteur en scène met son public dans la confidence : «Ce que vous allez voir n’est pas la réalité mais juste une interprétation». Tous sont là : Nathalie Sarraute, Marguerite Duras, Claude Simon, Claude Mauriac, Claude Ollier, Catherine Robbe-Grillet, Alain Robbe-Grillet, Michel Butor, Robert Pinget, Jérôme Lindon des «Editions de Minuit».
Pendant donc 3h30 (initialement 1h45 sur le programme, puis 2h45), le spectateur sera le témoin impavide d’un bavardage mondain de style docu-fiction, autour de ce pan important de l’histoire de la littérature. De temps en temps, on lui infligera également musiquettte ou chansonnette façon «Les demoiselles d’Avignon», fort sympathiques au demeurant, mais inutiles et n’apportant rien, si ce n’est de faire goûter à la salle un très joli brin de voix…
Malgré -ou à cause de- cette volonté appuyée de distanciation, la forme est purement didactique, entrecoupée de vidéos sans doute exhumées de quelques émissions littéraires de l’époque, d’autres plus récentes, un best-of des points de vue des auteurs et temoins de cette aventure littéraire.
La troupe d’acteurs est formidable, là n’est pas le problème. Ils pourraient d’ailleurs jouer n’importe quoi avec talent. Mais justement… tout ça pour ça ?
On peut comprendre que quelques nostalgiques des émissions de Pivot puissent adorer ce type de «théâtre ». Nous aimons aussi beaucoup les émissions de Pivot, mais diantre ! On peut retrouver des images d’archives bien plus intéressantes sans pour autant passer 3h30 dans la Cour du Lycée Saint-Joseph… Christophe Honoré aime cette littérature ? Soit ! Qu’il fasse donc une série de dix émissions sur le «Masque et la Plume» ! Pourquoi nous infliger de la sorte sa personnelle obsession ? N’avait-il pas d’autres moyens, d’autres visions, d’autres rêves pour faire partager sa passion ?
La tentative, «comme improvisée» des comédiens de lancer un débat interactif entre spectateurs et pseudo-écrivains est un échec. Les spectateurs n’osent pas ? Sont-ils au mieux perplexes, au pire las ? Quel intérêt peut-il donc y avoir à poser une question sur le Nouveau roman à une fausse Margueritte Duras ? Peut-être Christophe Honoré aurait-il dû mettre de faux spectateurs dans le public ? Etrange qu’il ne nous ait pas fait vivre aussi cela…
Un faux spectateur pose une question à une fausse Marguerite Duras… et ainsi de suite pendant quinze minutes. Durée finale 4h00. Pour notre plus grand bonheur Christophe Honoré n’a pas eu assez de répetitions pour en finir avec un spectacle de 12h à la wajdi mouawad, la vision en moins ! Heureusement pour tous.
Comme il est frustrant de passer d’un McBurney visionnaire et talentueux à un Honoré poussif, d’un Braunschweig agréable à un Honoré professeur de lycée. Margueritte Duras qui prend un café dans un distributeur en fond de scène reste une personne qui prend un café dans un distributeur… on pourra trouver toutes sortes d’explications à ce petit groupe dansant la salsa, rupture ou autre, mais que tout ceci est ennuyeux et vain… La seule chose hypnotique de ce spectacle restera cette horloge sur scène, égrenant seconde après seconde un temps rendu comme élastique par Christophe Honoré, certainement dépassé par sa passion.
Pierre Salles
Visuel : Nouveau Roman / photo Christophe Raynaud De Lage