LE PAYSAN DE PARIS, A LA MC93 : LES FAITS M’ERRENT…

Sarah oppenheim agradeciendo 2[1]

Le Paysan de Paris / Mise en scène : Sarah Oppenheim / MC93 – Maison de la culture de la Seine-Saint-Denis / Du 8 au 23 avril 2013.

Le Paysan de Paris est peut-être la plus inclassable des œuvres d’Aragon, écrite pendant sa période surréaliste. Roman, récit philosophique ou poème, il oscille sans cesse entre descriptions et rêveries d’un promeneur solitaire, qui fait de la ville, croit-on, son héroïne.

Au gré de cette balade devant les devantures et les vitrines, au fil de cette errance dans les passages et les ruelles en mutation de Paris, le narrateur laisse libre court à son imagination et voit surgir des visions poétiques et fantastiques. Flâneur, badaud, mais en éveil, il prend le temps de poser un regard neuf sur le monde et de redécouvrir le « merveilleux du quotidien ». C’est bien l’écriture qui va permettre de transfigurer le réel et de « réenchanter le monde ». Mais cette quête a un prix, et le narrateur se retrouve face à son angoisse de la mort, à sa peur de la folie, à ses interrogations sur l’amour.

Comment, sur un plateau, rendre compte de cette déambulation réelle et de ce voyage intérieur ? Les jeunes membres de la compagnie Le Bal rebondissant ont trouvé une solution ingénieuse en proposant une adaptation hybride, entre théâtre et performance graphique.

Aux dires du comédien, Arnaud Wurceldorf, font écho les dessins d’après photos, en noir et blanc, de Louise Dumas, qui seront projetés sur des panneaux mobiles. Cette « béquille visuelle » aiguise notre imagination et notre perception en nous faisant entendre le texte dans toute sa dimension poétique. Lorsque la dessinatrice pédale, les images défilent et prennent vie, alors que lui se balade dans l’œuvre comme sur le plateau, s’attarde sur un détail, déplace un panneau, repart.

Dans cet espace scénique changeant à l’image de la ville, un phonographe, à jardin, rappelle Tinguely, l’art cinétique, le milieu des 1920’s, période d’écriture de l’œuvre et d’une forme de mécanisation. Plus que des artistes, ce sont des artisans que l’on voit évoluer au sein d’une construction mentale en devenir. Lorsque tout se détruit sous la contemplation du narrateur, les photos disparaissent et les mots s’épuisent pour ne laisser de place qu’au dessin, s’animant. A la recréation d’un monde intérieur.

Le travail de la transparence et des lumières ne sont pas sans rappeler la précédente proposition artistique de Sarah Oppenheim, L’Exécution du juge infernal, spectacle de marionnettes d’ombres. Mais ici on va plus loin dans la création d’une forme à la croisée des arts. La collecte de différents matériaux, l’utilisation de media variés (photo, vidéo, dessin, …) permettent de rendre compte de toute la richesse de cette œuvre hétéroclite, mais aussi d’en donner des clefs de lecture. La prise en considération de la lenteur et du silence, et la dimension graphique, paradoxalement, donnent aux mots toute leur importance et en restituent aussi bien leur dimension sémantique que leur pouvoir acoustique.

Caroline Simonin

Jusqu’au 23 avril / MC93 – Maison de la culture de la Seine-Saint-Denis / 9 boulevard Lénine 93000 Bobigny

En savoir plus : http://www.mc93.com/fr/2012-2013/le-paysan-de-paris

Photo DR : Sarah Oppenheim

Laisser un commentaire

  • Mots-clefs

    Art Art Bruxelles Art New York Art Paris Art Venise Biennale de Venise Centre Pompidou Danse Festival d'Automne Festival d'Avignon Festivals La Biennale Musiques Palais de Tokyo Performance Photographie Théâtre Tribune
  • Archives