30/30 : RENCONTRES DE LA FORME COURTE, 13e EDITION
30 / 30 : treizième édition des Rencontres de la Forme Courte / Bordeaux Métropole / Boulazac, du 25 au 30 janvier 2016.
Ces Rencontres 2016 seront résolument tournées vers l’éclatement de la logique des genres qui trouve ses uniques justifications dans la loi du marché visant à cibler les consommateurs appropriés à chaque catégorie disciplinaire. Répondre à cette injonction subliminale du marché libéral, souvent décriée mais très souvent suivie, est ce dont le directeur artistique de l’événement, le metteur en scène bordelais Jean-Luc Terrade, s’affranchit allègrement en programmant des OVNI artistiques atypiques repérés tant dans la nouvelle scène nationale qu’internationale.
Aux croisements parfois improbables – tant le foisonnement créatif fait fi des définitions inscrites dans le marbre – des disciplines (en l’occurrence indisciplinées) de la danse, de la musique, de la voix, du cirque, du théâtre, de la vidéo, de la performance, etc., les six soirées de fin janvier (avec en clôture, le samedi 30 janvier, un grand parcours sillonnant de 12h à 23h le territoire de la cité bordelaise) initieront des « parcours » autour de vingt-quatre propositions dispatchées dans cinq lieux partenaires (Théâtre des Quatre Saisons, Agora de Boulazac, Cuvier CDC d’Aquitaine, Glob Théâtre et Atelier des Marches de l’été).
Huit compagnies hors hexagone (Londres, Comores, Afrique du Sud, Suisse, Grèce, République Tchèque, Pays Bas, Belgique), cinq parisiennes, viendront ajouter leurs créations à celles des compagnies régionales (dont cinq bordelaises). Le fil rouge qui les unit étant sans nul doute, par-delà la multiplicité des formes proposées et leur durée variable (entre six et quarante-cinq minutes), « l’audace et l’impertinence » qui leur tiennent lieu de pertinence absolue.
Pêle-mêle, au programme on trouvera des artistes à la renommée internationale : Steven Cohen (Performances, première française de l’iconoclaste sud-africain), Bertil Nilsson (Luminescence, laser et vidéo), Nick Steur (Freeze, installation sculptures éphémères), Tabea Martin (Duet for two dancers, questions et doutes), Frédéric Jouanlong (Karawane, performance poésie dada sonore)…
Sans oublier : Lê Quan Ninh (solo percussions, instruments improbables), Moeno Wakamatsu et Lê Quan Ninh (Awashima, danse buto et percussions), Noémi Boutin, Benjamin Colin et Fantazio (Trio, musiques classiques et contemporaines improvisées), Juan Ignacio Tula et Stefan Kinsman (Somnium, cirque et Roue Cyr), Arnaud Saury et Mathieu Despoisse (Dad is dead mummy !, vélo acrobatique autour des mystères de l’identité sexuelle), Justine Berthillot et Frédéric Vernier (Noos, cirque énergétique)…
Et encore : Annie Gibé (Entre nous, marionnette et humanité), Delphine Lanson et Jean Benoît Mollet (Entrevoir/ Falling in love, film expérimental en 3D), Cie La Tierce (Inaugural, danse et objets en mouvement), Cie Sine Qua Non Art (Des Ailleurs sans lieux, danse, rythme et respiration sonore), Salim Mze Hamadi Moissi (Kreuz, le krump : danse de rébellion), Cie des Limbes (L’utopie est la seule réalité, performance poème chorégraphique et plastique Elisée Reclus)…
Et enfin : Euripides Laskaridis (Relic, performance du corps passé à la loupe), Lenka Dusilova et Marketa Vacovska (One Step before the fall, performance danse voix, hommage à Mohamed Ali), Florencia Demestri (Olga, danse, fantasmes et réalité), David Chiesa et Sébastien Perroud (L.S.D Laser Sonic Distorsion, installation et musique), Erik Baron (N’Goni Phase, matières sonores), Thibaud Croisy (4 Rêves non-censurés, performance en présence de Fleur Pellerin, inspiratrice).
Ce programme, constitué de formes hybrides inclassables et de durée à géométrie variable, est animé par un vent de liberté tous azimuts dont l’ambition est clairement affichée par les porteurs du projet : faire découvrir de nouveaux langages artistiques repoussant non seulement les frontières entre les disciplines mais aussi s’émancipant des contraintes imposées par les formats habituels.
En effet, s’il y avait à dégager un point commun à toutes ces performances, ce serait bien le désir de liberté à tous crins qui inscrit la forme proposée dans un infra-théâtre : la répétition est bannie et chaque performance est une aventure unique marquée par le sceau de la création.
Comme le signalait Isabelle Barbéris, Maître de conférences en arts du spectacle à Paris 7, la performance est un geste politique qui annule la séparation entre la vie et l’art : il n’y a plus solution de continuité entre les deux mais rétablissement de ce lien. Or, ce qui caractérise l’organisation capitaliste c’est bien le morcellement entre temps des loisirs et temps du travail, temps de la vie et temps de la représentation théâtrale. Là, l’art et la vie sont réunies dans un « dépassement » de soi, non pas à prendre au sens du modèle économique qui exige des rendements toujours plus élevés, mais tout au contraire de se mettre en situation de faire surgir de soi quelque chose qui échappe, qui « dépasse » les intentions établies.
En ce sens, les performances qui seront présentées dans le cadre de ce festival 30/30, véritable laboratoire des nouvelles écritures de scènes, s’annoncent comme des plus « performantes ».
Yves Kafka
Tabea Martin DUET FOR TWO DANCERS / Photo Sara Hoyserman