DOMINIQUE GILLIOT & MAEVA CUNCI, « LA REPRESENTATION DE TROP », FESTIVAL ARTDANTHE

vivien_donnet

Dominique Gilliot et Maeva Cunci : La représentation de trop / Théâtre de Vanves dans le cadre du festival Artdanthé / le 19 mars 2016.

Des nappes de synthé densifient l’atmosphère de la salle Panopée. En fond de scène, aux images d’une danse onirique se superposent des aplats de couleur ou la dynamique lente et orchestrée d’un banc de poissons exotiques. Des objets de plus disparates gardent leur réserve en bord du plateau. En convoquant l’espièglerie des arts plastiques, l’énergie de la performance, la force poétique de l’acte de nommer et d’envoutantes et improbables sonorités électro, Dominique Gilliot et Maeva Cunci signent une pièce généreuse, à la fois simple et complexe, qui nous entraine dans le jeu incessant de ses reconfigurations possibles.

Facétieuse, cette création fait du hasard son plus grand allié. Jeter un dé, le geste semble anodin, mais il convoque au passage tout un pan de l’histoire de l’art du XXème siècle et nous prend pour témoins d’une subtile science des rapports placée sous le signe de tous les possibles. Qui plus est, les nombres qui sortent sont toujours les bons ! Les rapprochements sont fracassants, se jouent des grands écarts et des percés sémantiques. Ce coquillage coquet – palourde pimpante, selon les goûts –, ce monument héroïque – qui affirme la diagonale, la ligne de traverse – pour fruits de saison – en céramique, bien évidemment – et lion ou encore tempus fugit, jour et nuit, qui introduit le mouvement infiniment petit et régulier de grains de sable dans un clepsydre, ce sont autant d’installations plastiques à la croisée de la sculpture et du décor. L’intuition du changement d’échelle est magistrale. Car chacun de ces assemblages à la poétique rieuse ou déconcertante est une proposition de scénographie en puissance.

Imaginez l’espace intérieur, lisse et creux du coquillage aux dimensions du plateau ! Il suffit de fermer très fort les yeux et de suivre avec un peu de concentration les phosphènes. Le maquereau, poisson multiple aux déplacements collectifs, tourbillonnaires, invoqué par Dominique Gilliot dans un moment de récital débridé, sera notre guide dans ce chaos visuel sous les paupières. Un ballet marin s’organise sur scène, véritable plongée dans les abysses traversés par de vagues phénomènes de bioluminescence, dans une danse ondulatoire de polypes et autres créatures des profondeurs.

La pièce s’accorde un délicieux moment de flottement, avant que le jeu de marabout – bout de ficelle, parfaitement et faussement décousu ne se poursuive par un rappel à l’ordre du hasard, pipé. La voix de crécelle de Flore Cunci se lève pour nous plonger dans une geste médiévale cocasse, revisitée à l’aune d’une grosse fraise et d’un ananas en céramique. Affublées de visières – cagoules avec des imprimés à rayures et autres motifs pop, Dominique Gilliot et Maeva Cunci se lancent dans un tournoi. Hildegarde von Bingen aurait très bien pu être de la partie.

Des filtres chromatiques dessinent des formes abstraites en fond de scène. Ils rappellent les pans de couleurs primaires utilisés par l’une des scénographiques miniatures déployées au sol. L’espace se reconfigure dans des superpositions et réflexions, selon le principe de décomposition d’un rayon de soleil dans un prisme. C’est le moment propice pour invoquer Vasco da Gama pris entre deux miroirs parallèles et subitement les cocotiers imprimés sur une natte sous le clavier deviennent terriblement saillants. Comme dans un rêve éveillé, vitaminé même par une électro-pop rageuse, tout se prête au jeu des interprétations, les éléments visuels s’aimantent dans des court-circuits fictionnels improbables, les associations folles et les clins d’œil prolifèrent. Nous sommes définitivement embarqués dans un voyage rythmé par les révolutions d’une boule à facettes plate qui génère un espace temps paradoxal, tout simplement jouissif.

Smaranda Olcèse

dg

photos Vivien Donnet

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