RENCONTRE : FRANCIS AZEVEDO, PHOTOGRAPHE POUR « NUIT DEBOUT »

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Rencontre avec Francis Azevedo photographe pour Nuit Debout.

Lorsque Francis Azevedo ne photographie pas les festivals de cinéma, ou les milieux associatifs, il pose son objectif dans la rue. Elle est son studio à ciel ouvert. Après avoir vécu au Brésil, il habite depuis 2011 en France. Il suit Nuit Debout depuis le début du mouvement ; le photographier est pour lui une forme d’expression comme la parole dite, mais avec les yeux. Rencontre avec ce photographe engagé qui donne à l’image un regard incarné.

Inferno : Qu’est-ce qui vous pousse à choisir le noir et blanc comme outil photographique ?
Francis Azevedo :
Le noir et blanc c’est quelque chose qui m’a attiré dès la naissance de la photographie. Un des premiers photographes qui m’a influencé c’est Sebastião Salgado. C’est un photographe brésilien, à la fois classique et contemporain. C’est avec Nuit Debout que j’ai commencé à photographier des manifs, avant je faisais de la street photographie… (et dans la street on utilise beaucoup du noir et blanc). Mon regard vient beaucoup de la rue.

Inferno : La street photographie, en quoi cela consiste-t-il ?
Francis Azevedo : Tu te balades dans la rue, tu prends des photos de la rue, en instantané. Je ressemble mes références comme Sebastião Salagado et Robert Bresson. Pour moi, le noir et blanc délivre énormément de force. Il est tout de suite dramaturgique. Dès lors, j’essaye de prendre mes expériences de la rue et de donner un côté photoreportage, avec un aspect artistique inspiré par Nuit Debout. Et comme Salgado dit, le noir et blanc laisse à la personne qui regarde imaginer les couleurs.

Inferno : Comment faites-vous pour obtenir du mouvement au sein de l’image ?
Francis Azevedo : Je traite mes photos. Je shoote toujours en Raw et en noir et blanc. Mon noir et blanc est très marqué par du noir et de la clarté aussi (sourire). Pour moi chaque photo a une histoire. Je traite la narration plus ou moins différemment selon la situation. J’apprends en faisant. Au moment où je traite ma photo, je me dis : « je vais la pousser plus de ce côté-ci ou celle-là de côté-là ». Comme je pousse beaucoup sur la clarté et la netteté, un aspect graphique nappe l’image et lui ouvre du mouvement, une perspective autant que de la profondeur.

Inferno : Quel est votre matériel photographique ?
Francis Azevedo : Je travaille avec des objectifs argentiques sous mon numérique. J’opte pour des grands-angles (24 et 35). Pendant les manifs, j’utilise un petit zoom (35/70), sur une pleine ouverture. Le flou est derrière mon personnage. C’est cela même qui crée le mouvement. J’aime lorsque tout bouge derrière le personnage, mais lui reste nickel.

Inferno : Comment représentez-vous un peuple ? Qu’est-ce qui va faire que vous photographiez un moment plutôt qu’un autre ? Est-ce seulement une question de subjectivité ?
Francis Azevedo : Oui beaucoup. Lorsque j’ai choisi la photographie, je m’en suis servie comme une recherche thérapeutique, à l’instar de la méditation que je pratique. Donc j’essayais d’atteindre mon inconscient à partir de ce processus. Quand je prends une photographie, une dialectique entre mon conscient et mon inconscient s’enclenche : ce que je vois en ce moment et ce que je vais voir en traitant mes photos.

Inferno : Recherchez-vous une photographie de colère, une photographie contre le média lui-même ?
Francis Azevedo : J’ajoute souvent une pointe d’ironie, comme par exemple cette photographie de la personne qui jette un pot de fleurs. C’est quelque chose que j’ai trouvé très beau et mon regard s’est ciblé dessus.
Quand je parle avec les gens, je regarde toujours ce qui se passe autour de moi. Ce n’est pas que je ne fais pas attention à ce qu’on me dit, c’est juste que mon regard part dans tous les sens. Je veux à chaque fois ne pas montrer l’image qu’on a vue 40 000 fois dans la presse, mais à l’inverse, obtenir un regard singulier et différent.

Inferno : Il y a dans votre regard beaucoup d’humour, n’est-ce pas ?
Francis Azevedo : Oui, c’est comme une blague, un petit jeu entre moi l’image et ce que les autres y voient. Souvent on s’arrête sur des dessins avec un manifestant qui jette des livres, des fleurs… Et là, j’ai la joie d’avoir une caricature en face de moi. Un personne qui jette un pot de fleurs. Je mets mon point de clarté sur le pot et j’attends. Une photo prend le pot qui décolle, le pot est en train de partir. Puis la personne répète, son geste et je l’ai avec son pot de fleurs entre les mains. En traitant la photo en noir et blanc, j’ai très peur que l’on ne voie plus le pot de fleurs. J’ai donc essayé de mettre de la couleur pour mieux comprendre, mais cela me fait de la peine de ne pas avoir laissé cette image en noir et blanc.

Inferno : Enfin, quel serait l’aspect militant de votre travail ?
Francis Azevedo : Quand je suis venu à Nuit Debout, je suis venu en tant que militant puis après comme photographe. Je me balade toujours avec mon appareil. Je le vois comme une extension de mon œil. C’est une partie de mon corps qui permet d’enregistrer des images. La photo me permet de parler avec mes yeux.
J’essaye de casser les stéréotypes, comme lorsqu’un manifestant serre la main à un gendarme, par exemple. On a dans nos têtes un stéréotype du gendarme. J’essaye de montrer les moments où il n’y a pas que de la violence. Les photos de conflits ce ne sont pas celles que je préfère. Je le fais, car c’est un exercice pour moi, et je peux aussi donner une autre image du conflit, à l’image de ce pot de fleurs. Je veux aussi, que pendant les manifs des personnes soient là entre les flics et les black blocs pour chercher la paix. Dans un moment de chaos, de cassage, je veux montrer à travers l’image d’une fleur et d’une main : l’amour. J’ai souvent envie de faire coexister les contraires. Lorsqu’il y a du cassage, je me fixe sur une fleur et quand il y a une fleur qui apparaît j’ai envie de montrer les cassages pour que les contradictions opèrent chez celui qui regarde.

Propos recueillis par Quentin Margne.

Le 28 mai Francis Azevedo expose une quinzaine de photos issues de son reportage sur Nuit Debout à la Flèche D’or dans le cadre de Pagaille # 1 (102 bis rue de Bagnolet, 75020 Paris)

Lien vers la page Facebook de Francis Azevedo : https://www.facebook.com/regardedansmesyeux/?fref=ts

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