GUERRE ET TÉRÉBENTHINE : CHAOS ET MAGNIFICENCE

Bruxelles, correspondance. 

Guerre et térébenthine – de Jan Lauwers & Needcompany au Théâtre National de Bruxelles du 23 au 26 janvier 2019 puis en tournée les 28 et 29 mars à Madrid Teatros del Canal, les 4 et 5 avril à l’Opéra de Dijon et les 9 et 10 avril à Bobigny MC93 – Maison de la culture de Bobigny.

A chaque fois que l’on a l’occasion d’aller voir un nouveau spectacle de la Needcompagny, c’est toujours une interrogation, une excitation voire une appréhension. Qu’allons-nous rencontrer sur scène ? C’est qu’avec cette troupe et cet homme-là, Jan Lauwers, tout devient possible. Tout prend forme, façon déjantée mais toujours humaniste sur le plateau avec souvent la réussite qui sied aux grands metteurs en scène.

Un pari fou.

Dans cette pièce de théâtre, Jan Lauwers réalise une adaptation marquante de ce monument littéraire flamand qu’est « Guerre et Térébenthine » de l’écrivain et ami Stefan Hertmans (plus de 300 000 exemplaires vendus dans le monde !). Entre art et guerre 14-18, Jan Lauwers et sa troupe s’immergent avec fracas dans la grande et la petite histoire, celle vu par le prisme familial du grand père de l’auteur : Urbain Joseph Emile Martien, héros de guerre et peintre, enfant de la houille et homme de l’amour et de la maladie !

Sur la scène, c’est l’histoire d’une vie qui nous est racontée par la grande actrice Viviane De Muynck, à travers un monologue tiré du texte de Stefan Hertmans. Jan Lauwers ayant transformé le narrateur en narratrice, idée plus que séduisante. Epoustouflante de force et de fragilité dans son interprétation, Viviane De Muynck est le lien charnel et féminin qui nous lie au récit et sa présence à elle seule est héroïque et très émouvante.

Coup de poing.

Rien ne nous sera épargné. Instillant le chaos d’entrée de jeu, les comédiens installent et forgent dans un vacarme assourdissant un pantin articulé symbole des premières heures de l’industrialisation du début du 20eme siècle. Puis dans une scène d’anthologie, ils fabriquent la Guerre dans un combat chorégraphié où s’entrechoquent les corps comme les panneaux de bois qui forment le décor au lointain, se fracassent les uns contre les autres. Les trois musiciens du spectacle participent avec force et virtuosité comme jouant des percussions sur leurs instruments respectifs : violon, violoncelle et piano. Bruits et fureur. Rarement la guerre aura été montrée avec une telle force sur une scène au théâtre.

Le calme après la tempête, certainement pas. La vie d’Urbain Joseph Emile Martien n’est pas un long fleuve tranquille. L’amour, la maladie et l’art le rattrapent bien vite après la libération, pour son premier amour, c’est la grippe espagnole. Pour lui-même, la peinture et les états d’âme l’emmèneront au seuil du trépas. Seul.

Avant de mourir, le grand-père qu’il est devenu, a pris soin de consigner dans des cahiers « les drames silencieux » son existence devenue objet littéraire et enfin aujourd’hui objet théâtral. Une fois de plus, grâce à Jan Lauwers et la Needcompagny, on en prend plein les yeux mais aussi plein la gueule et c’est jouissif. Quelle énergie et quel plaisir !

Philippe Maby,
à Bruxelles

Photos Maarten Van Den Abeele

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