VENISE : Y’A T-IL UN ARTISTE BELGE A LA 58e BIENNALE ?

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58e Biennale d’Art de Venise : 11 mai-24 novembre 2019. Artistes sélectionnés pour le Pavillon Officiel de la Belgique (Giardini): Harald Thys et Jos De Gruyter.

Une présence fantomatique

Il faut bien le constater : cette année fera tache, avec une présence plus que limitée -et limite- des artistes belges à cette 58e édition de la prestigieuse Biennale de Venise. Une « présence » en creux, tant elle pointe du doigt les grands absents, une représentation fantomatique que l’on peut quasiment résumer aux deux Flamands Harald Thys et Jos De Gruyter*, qui occuperont donc le pavillon belge des Giardini.

Un choix largement contesté, chauvinisme aidant, d’autant qu’ils ont été préemptés par la Fédération Wallonie-Bruxelles, mais pas que. En effet, on peut tout à fait s’étonner des raisons artistiques qui ont présidé à cette sélection surprenante, les deux compères ne brillant pas particulièrement pour leur talent ni pour leur importance sur la scène artistique mondiale…

Ceux-ci auront donc la lourde charge d’animer le pavillon belge. S’ils se sont largement réjouis de cette inopinée et inespérée aubaine, on les comprend, ils n’en ont pas moins pas désarmé et ont cogité une installation qu’ils espèrent dignement faire l’affaire : Harald Thys et Jos De Gruyter présenteront à Venise leur nouvelle oeuvre intitulée « Mondo Cane »*, spécifiquement pensée pour le pavillon, qui se composera d’une vingtaine de poupées animées. Pour les deux comparses, « Ces automates effectuent des actions répétitives. Au début, tout semble drôle, mais à force de répétition, on finit par arrêter de rire. Ces poupées s’animent pendant 15 minutes environ. Ensuite, la performance recommence. Nous avons conçu deux types de poupées. L’un évoque le folklore et les anciens métiers; l’autre, le monde des exclus et, disons-le, des crapules. » (!)

Bref, ce qu’ils imaginent représenter un « Théâtre de la Cruauté » (une référence à Artaud bien déplacée), risque fort de sombrer dans une animation folklorique et anecdotique digne de l’Atomium… En tout cas, certainement pas du niveau de bien d’autres représentations nationales.

Alors que la Belgique grouille d’extraordinaires artistes -de Jan Fabre à Wim Delvoye, de Rombouts & Droste, Jef Geys, Panamarenko ou Berlinde de Bruyckere à Mark Luyten, Francis Alys ou Luc Tuymans, sans compter la nouvelle génération de jeunes talents, il ne manquait tout de même pas de « matière », solide et consistante, pour honorer la représentation nationale ! Plutôt que ces deux bricoleurs approximatifs dont on se demande comment ils ont pu échouer là. Tant mieux pour eux. Et tant pis pour la représentation belge.

On regrettera d’autant plus le superbe travail de Berlinde de Bruyckere qui enchanta le pavillon belge lors de la Biennale 2013.

Ni Giardini, ni Arsenale, ni événements collatéraux…

Le souci -pour les tenants d’un patriotisme artistique (si, si, il en existe encore !)- étant qu’au-delà de cette représentation a minima, on ne trouve pas trace non plus de Belges dans la grande exposition officielle de la Biennale, imaginée par le curator de la 58e édition Ralph Rugoff : sur les 79 artistes convoqués dans les deux parties de « May You Live In Interesting Times », à l’Arsenale et dans le pavillon central des Giardini, aucun Belge, pas même un artiste résidant à Bruxelles ou Anvers !

Pour être juste, signalons tout de même -et ce n’est pas rien- la Française d’origine Laure Prouvost, auparavant londonienne et désormais anversoise, qui représentera la France dans son pavillon des Giardini.

Quant aux « événements collatéraux », tels que la Biennale se plaît à les nommer, – et qui sont les expos et events « labellisés » Biennale- nul ne convoque d’artistes belges.

Il restera pour consoler l’aficion belge la monographie de Luc Tuymans au Palazzo Grazzi -mais qui ne fait pas partie des « colletaral events » dûment estampillés par le président Baratta, à tête de La Biennale since 1998– la Collection Pinault mettant à l’honneur cet artiste belge dont elle possède plusieurs pièces. Egalement la présence de l’artiste Edith Dekyndt (1960, Ypres) dans l’expo « Luogo e Signi » à Punta della Dogana, toujours Pinault donc… Ou faire un petit saut à Naples et savourer les trois expos dont la ville honore Jan Fabre tout l’été !

Pour autant, ne tirons aucune conclusion hâtive sur une prétendue belgophobie de La Biennale à l’endroit des artistes du plat pays. Juste une coïncidence, fâcheuse certes, doublée d’une véritable erreur de casting de la sélection officielle. Mais nous y irons néanmoins avec plaisir, car avec ou sans Belges, La Biennale de Venise est à déguster sans modération.

Marc Roudier

* Jos De Gruyter (°1965) et Harald Thys (°1966) vivent et travaillent à Bruxelles. Duo d’artistes depuis la fin des années 1980, leurs photographies, installations, dessins, objets, performances et vidéos « jouent avec les notions du superficiel et du banal ».
Dernières expos : Kunstverein München, Munich (2017); MoMA PS1, New York (2015); Raven Row, London (2015); Kunsthalle Wien, Vienna (2014); M HKA, Antwerp (2013); Kunsthalle Basel (2010).

** « Mondo Cane », 1962, film de Poalo Cavara et Gualtiero Jacopetti.

pavillon belge

Images: 1- Edith Dekyndt, « Ombre indigène », copyright the artist / 2- Jos De Gruyter et Harald Thys, exhibition view at Galerie Micheline Szwajcer – copyright the artist

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