GERMANA CIVERA / HOOMAN SHARFI : DE LA SINCERITE ET DE L’ILLUSION

Festival Montpellier Danse 2012 : « To B.The Real Tragedy » de Germana Civera / « Now the field is open » d’Hooman Sharfi / spectacles du 2 juillet 2012.

Deux spectacles étaient proposés au 32e Festival de Montpellier Danse uniquement en ce Lundi 2 Juillet, deux propositions d’arts mêlés : Now the field is open d’Hooman Sharfi et To B.The Real Tragedy de Germana Civera. Pour chacune des deux propositions, on pourra entendre le spectateur rétrograde trouver que la Danse n’est pas au rendez-vous et se perd dans le melting-pot disciplinaire. Pourtant, il faut être un piètre spectateur pour ne pas voir de danse ici et là. Le corps est mis en avant, il s’exprime et entre en mouvement, surtout chez Sharfi.

Du mouvement mais pas de sens. C’est une belle coquille vide que Now the field is open de Hooman Sharfi. Au centre du plateau, trois musiciens sont installés sur des praticables à roulette (ils vont donc être déplacés, cela ne rate pas, à la moitié du spectacle). Le parti pris d’installer les musiciens au centre du plateau aurait pu être très fort, mais malheureusement reste sans conséquence pour la dramaturgie du spectacle, hormis de déranger les danseurs et d’occulter la moitié de l’Opéra Comédie, fraichement refait mais toujours aussi inconfortable.

Le propos était de mixer street dance norvégienne (la compagnie est implantée à Oslo) et musique traditionnelle iranienne. Bien plus qu’un mélange, il s’agit ici d’une superposition inutile, la musique (au demeurant magnifique) ne se métissant absolument pas. S’il est intéressant dix minutes de se confronter à de la danse hip-hop, traditionnellement dynamique et très scandée voire brutale sur une musique au contraire douce et harmonique, le spectacle tourne en rond rapidement (au propre comme au figuré) car il n’est supporté par aucune dramaturgie, aucune réflexion, aucune chorégraphie (au sens étymologique d’écrire la danse). On est même sidéré de voir des diagonales ou des occupations de l’espace bateaux dignes d’un groupe de fin de premier cycle au conservatoire. Les danseurs sont bons, ils ont de belles personnalités, mais ceux qui se trouvent sur la place de la Comédie, devant le parvis du théâtre, font aussi bien, et eux n’ont pas fait le voyage de Norvège pour nous infliger le spectacle de la médiocrité dramaturgique…

A l’opposé se trouve le travail de Germana Civera. Ici pas de recherche de la performance, mais du sens, peut-être même trop. La pièce s’ouvre sur un corps très faiblement éclairé de rouge et une voix en direct déroule une litanie de noms propres, figures tutélaires du spectacle. La voix chuchote, et le public est ainsi plongé dans une écoute très belle qui tiendra toute la première partie de l’oeuvre (on en a vu trois).

Le théâtre de la Vignette, théâtre universitaire de Montpellier, offre un écrin idéal pour cette oeuvre très dramatique. Toute la pièce est une performance où les artistes (danseurs, comédiens…) font leur lait des grandes étapes fixées par la chorégraphe et sa dramaturge, Hélène Soulié. Les lumières de Raphaël Vincent sont sublimes, véritables vasques pour y loger la matière corporelle. Il arrive que l’on ne voit pas les corps et pourtant, ce spectacle se fait l’écho d’une corporalité sourde et merveilleuse. Tout un jeu se crée entre ombres et lumières, entre dit et non-dit, entre les corps. Et c’est dans cet endroit là, dans cet entre-deux là que nait la tragédie. Même si certaines images sont finalement trop explicites et n’appellent plus au rêve, la majeure partie de cette expérience s’avère très forte. Les différents temps nous obligent à réagir, à avoir un avis sur ce qui se passe. Un beau spectacle qui pourtant n’est pas très apprécié, car peut-être trop intelligent, en tout cas très déroutant.

La programmation de Jean-Paul Montanari, directeur artistique de Montpellier Danse, se veut très eclectique et ces deux spectacles à l’opposé l’un de l’autre montrent deux visages très criticables de la danse : la volonté de plaire à tout prix sans jamais transgresser les normes en surfant sur la vague du “multiculturalisme”, ou le désir d’aller au plus profond de l’introspection, au risque de perdre une grande partie du public.

Bruno Paternot
envoyé spécial à Montpellier Danse.

MONTPELLIER DANSE / Du 22 juin au 7 juillet 2012 / Montpellier / Site : http://www.montpellierdanse.com/

Visuels : 1/ la chorégraphe Germana Civera 2/ « Now the field is open » d’Hooman Sharfi / Festival Montpellier Danse 2012

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