« SOULS » : OLIVIER DUBOIS AU FESTIVAL FAITS D’HIVER
Olivier Dubois : Souls / Le Tarmac dans le cadre du festival Faits d’hiver / 16 – 18 janvier 2014.
Le festival Faits d’hiver démarre en force avec la nouvelle création d’Olivier Dubois. Dernier volet d’un triptyque entamé en 2009, Souls est le pendant masculin de « Révolution », pièce manifeste à l’intensité encore inégalée.
L’engouement suscité par ce nouveau projet n’a eu de cesse de s’amplifier des mois avant sa première parisienne. Il faut dire qu’Olivier Dubois, nouveau directeur du Centre Chorégraphique National de Roubaix Nord-Pas de Calais, a su imposer sur la scène contemporaine sa personnalité impétueuse, bouillonnante, sa force de travail et son énergie irrésistibles. De surcroit, « Tragédie », opus créé au festival d’Avignon en 2012, rencontrait un véritable succès à la fois public et critique. Quant à sa nouvelle pièce, « Souls », ses conditions de création suffisent à la rendre déjà épique. Ainsi les multiples voyages à travers différents pays d’Afrique, de l’Ecole des Sables de Germaine Acogny au Sénégal jusqu’au Caire qui accueillait la première le 15 décembre dernier ; ainsi le choix revendiqué de travailler avec des danseurs issus chacun d’un pays du continent africain.
Ils sont six sur le plateau du Tarmac, à moitié ensevelis dans une épaisse couche de sable. Une parfaite immobilité marque les dix premières minutes de la pièce labourées en profondeur par des percussions savamment entretissées dans les nappes électroniques de François Caffenne. Ce rythme effréné fait inévitablement écho aux bouleversements qui secouent en ce moment cette région du monde et le contraste est saisissant avec l’écrasante lenteur qui garde les corps à l’horizontale quand le mouvement se délie enfin. Olivier Dubois avoue être parti à la recherche du danser de l’origine. Cette horizontalité renforce l’emprise quasi-déterministe de la glaise dont les corps peinent à s’extirper. Les membres tendus sont parcourus par des tensions douloureuses, une ronde macabre est en train de s’enclencher. Le chorégraphe retrouve des thèmes qui lui sont chers et qui émaillaient déjà « Tragédie » : la lutte, le destin, la fatalité, la mort. Mais sa danse, extrêmement construite et répétitive, en pâtit, s’étiole sous le poids des métaphores trop évidentes, et, à trop en vouloir dire, verse dans les poncifs. L’Afrique se réduit ici aux fantasmes qu’elle attise dans l’imaginaire occidental – l’ancestralité, l’authenticité, la relation à la terre et aux morts. Les corps des six danseurs témoignent pourtant d’une mémoire incarnée, d’apprentissages disparates, refusent parfois de se soumettre aux injonctions d’une danse qui cherche à les affilier à une écriture, certes subjective, de l’Histoire.
C’est justement une fois franchis les seuils de la signification, que la danse retrouve sa force sidérante. « Souls » ménage des moments troubles où les corps se brouillent, dans des portés qui conjuguent, dans un même mouvement dense et paradoxal, gravité et suspension, lourdeur et glissement fluide, étreinte et arrachement. Il y va du remous des masses informes, riches d’une multitude de devenirs, d’amas invraisemblables de potentialités, tiraillés par des énergies fulgurantes, et c’est précisément dans ces instants là qu’Olivier Dubois se tient au plus près de son dessein.
Smaranda Olcèse
Le festival Faits d’hiver se poursuit jusqu’à la mi-février et plusieurs créations sont encore au programme : http://www.faitsdhiver.com/
Souls sera donné le 21/01 au Forum de Blanc-Mesnil http://www.leforumbm.fr/spectacle/405/Souls et revient à Paris à la mi-mars au 104, dans le cadre de Séquence Danse Paris http://www.104.fr/programmation/evenement.html?evenement=246
Photos Antoine Temp