LES RATES DE MONTPELLIER DANSE 2016

GODANI-01-1920x700

Les ratés du festival Montpellier Danse 2016.

Un festival de création connait quelques chefs d’oeuvres mais aussi et plus souvent des échecs. L’édition 2016 n’aura pas échappé à la règle. Si Jacopo Godani et le ballet du Dresden Frankfurt Dance Company ont divisé professionnels et spectateurs, l’accueil très mitigé et les nombreuses places vides ont réuni critiques et public devant le constat d’échec de Pierre Rigal.

Jacopo Godani – THE PRIMATE TRILOGY
De même que les épigones de Brecht ou de Sartre ont fait beaucoup de mal à la distanciation et à l’existentialisme, Jacopo Godani, en se revendiquant de l’héritage de William Forsythe lui marche dessus et oublie qu’il vaut mieux être fidèle à l’esprit qu’à la lettre. Ainsi, The Primate Trilogy est une pâle copie des pièces de Forsythe, l’inventivité en moins et la vulgarité en plus. Les costumes réalisés par le chorégraphe–scénographe–éclairagiste–costumier Godani (quand on voit quelqu’un « maîtriser » autant de matières, on a toujours un doute, une suspicion) sont assez représentatifs de la vacuité du projet : tout découvrir mais ne rien montrer. Les corps sont découverts pour nous vendre une sensualité affichée et soi-disant provocante, mais en fait il n’en est rien, le tissu est là pour cacher ce qu’il faut et abaisser la danse à de la monstration. Dé-monstration des corps et de leur capacité : on cherche à nous vendre des athlètes de haut nivaux qui éblouissent (comme les phares d’une voiture), ahurissent et hystérisent. Effectivement, les spectateurs sont tous debout et hurlent comme des loups en meutes à l’issue du spectacle.

Des mouvements à l’esthétique en passant par la musique, rien ne dépasse les années 90. Le montage sonore, mix entre Mario Bros et Pierre-Henri montre lui aussi l’incapacité de ce ballet à passer par le XXIe siècle. Et c’est fort dommage car le niveau de danse est exceptionnel. Les corps, tout en courbes étonnantes et en ondulations, mêmes s’ils dansent une forme de SM prude légèrement ridicule, le dansent très bien.

Chorégraphie, scénographie, lumière, costumes : Jacopo Godani
Musique : 48nord, Ulrich Muller et Siegfried Rössert
Coordination artistique : Luisa Sancho Escanero
Dresden Frankfurt Dance Company

Pierre Rigal – Même
Neuf artistes sont sur le plateau. Certains viennent du théâtre, d’autres de la danse, d’autres encore de la musique. Comme tout le monde fait tout, personne ne réussit à être bien hormis Pierre régale lui-même (ce qui est très suspect et désagréable quand le chorégraphe ne quite jamais le centre du plateau). Chaque interprète s’amoindrit cruellement de l’invitation à venir explorer un autre art. On ne voit que le musicien qui danse mal, la danseuse qui ne joue pas bien, le danseur qui chante comme il peut. Outre ce problème de distribution, la forme du spectacle pose question. « Je ne sais pas quoi dire mais je le dis quand même[…] plus je réfléchis moins je sais quoi dire » dit le texte de cette « comédie musicale expérimentale ». Effectivement, à force d’être tellement réfléchi, le spectacle perd tout naturel, tout intérêt, toute aération. Danse sans conscience n’est que ruine du spectacle vivant mais à trop vouloir unifier les arts sans mettre en avant les faiblesses ou les spécificités de chacun, on se perd. Contrairement aux exigences du travail clownesque, les effets s’enchaînent sans règle ni logique. L’absurde se dissémine dans la facilité. À la fin du spectacle, les artistes vont se cacher sous le tapis, on ne peut pas être plus clair…

Compagnie dernière minute
Une comédie musicale expérimentale de Pierre Rigal – Sur une musique originale de MicroRéalité
Avec Pierre Cartonnet, Mélanie Chartreux, Malik Djoudi, Gwenaël Drapeau, Julien Lepreux, Pierre Rigal, Denis Robert, Juliette Roudet, Crystal Shepherd-Cross
Collaborateur artistique et costumes : Roy Genty – Collaboration à l’écriture des textes : Serge Kribus Lumière : Frédéric Stoll – Sonorisation : George Dyson – Assistanat répétitions Cécile Lazerges & Christian Vialaret – Assistante costumes : Charlotte Pecquenard – Mise en production Sophie Schneider assistée de Nathalie Vautrin

Ouaima Manai Time out – Temps Morts
Hormis les jolies lumières qui ne sont pourtant pas signées, le spectacle de Ouaima Manai est affligeant. La chorégraphie ringarde et mal exécutée par les danseurs médiocres, les images créées sont déjà vues mille fois, le rythme est très poussif… le fond du spectacle cherche à nous montrer la place de la femme : auprès des enfants, comme reproductrice, s’occupant des chiffons et tissus. Peut-être y aurait-il autre chose à dire ?

Chorégraphie: Oumaima Manai
Distribution (interprètes) : Oumaima Manai, Fetah Khiari, Nour Mzoughi, Ines Nasri, Dhouha Chaouech, Meriam El Borni
Scénographie: Fetah Khiari
Régie Générale: Marie Wild
Costume: Meriam Maamer
Musique: Ghoula,
Coproduction: Festival Montpellier Danse 2016
Avec le soutien du ministère de la culture tunisien, de l’association NessElFen, du collectif Brotha From another Mother, et de l’institut français de Tunis

Ali Moini- MAN ANAM KE ROSTAM BOVAD PAHLAVAN
Le spectacle d’Ali Moini contient trois images : le décor seul, lui à l’intérieur du décor, le décor déconstruit. Nous entrons dans la salle et nous pouvons voir des bouteilles d’eau suspendues en fond de scène, comme un jeu d’orgue, qui font contrepoids pour qu’au premier plan soit présentés une combinaison de plongée et un mannequin stylisé, en métal. Ali Moini s’installe dans la combinaison. Pour passer de la première à la deuxième image, il lui faut bien dix minutes pendant lesquelles le spectateur attend. Cruellement. S’ensuit tout un jeu de marionnettes : le danseur bouge et le mannequin, par le jeu des fils, se met en branle. Puis le danseur installe ses courses au rayon boucherie de chez Auchan sur le mannequin de métal. Cela prend au bas mot trente minutes pendant lequel le spectateur attend l’incarnation du mannequin de métal, habillé de viande. Lady Gaga eut fait mieux, Jana Sterbak en son temps aussi. Le mannequin est petit à très petit démonté, comme si le corps se détruisait, s’abimait, s’abîmait. Pendant ce temps, le spectateur comprend vite où le spectacle va en venir et s’ennuie, se détruit, s’abime, s’abîme.

Compagnie Selon l’Heure
Concept et interprétation : Ali Moini
Installation sonore : Sarah Shamloo, Nima Aghiani
Assistance artistique : Sorour Darabi
Scénographie : Julien Peissel
Lumière : Stéfane Perraud

Bruno Paternot

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

  • Mots-clefs

    Art Art Bruxelles Art New York Art Paris Art Venise Biennale de Venise Centre Pompidou Danse Festival d'Automne Festival d'Avignon Festivals La Biennale Musiques Palais de Tokyo Performance Photographie Théâtre Tribune
  • Archives