FOCUS : MULTIPLES VISAGES D’ARIANE LOZE
FOCUS : Multiples visages d’Ariane Loze
Ariane Loze, performeuse et vidéaste, est l’une des lauréats du salon de Montrouge 2018 et a participé à l’exposition inaugurale du Centre Pompidou – Kanal* de Bruxelles (2018 année de préfiguration du musée, 2023 ouverture définitive). Focus :
Le travail de l’artiste vidéo belge Ariane Loze se situe au carrefour du cinéma et de l’art contemporain : avec le premier, il partage le caractère narratif et l’appui sur le jeu d’acteur, avec le deuxième – les thématiques spécifiques, tel que le commissariat d’exposition ou les collections muséales (Décor), et une façon singulière du tournage : en l’absence d’équipe, c’est l’artiste elle-même qui l’exécute et joue tous les personnages. Les vidéos, décidées dans l’esthétique du réalisme minimaliste, où Loze représente des scènes de la vie quotidienne – repas en famille (Chez Nous), réunion du travail (Profitability), sortie au théâtre (Like a hand on my wrist), absorbent le spectateur, l’enchainent à l’écran.
Avec son visage elfique, sa voix et son regard, parfois timide, parfois diabolique, elle est à la fois artiste et actrice. Le même talent – polymorphe, organique, qu’on a l’habitude d’associer aux chats et fripons – chez Sarah Bernhardt a poussé Jean Cocteau de la qualifier de monstre sacrée. Le moindre mouvement et la moindre phrase, bien calculés, de ces deux, ont leur place dans la pièce. La discrétion, voir l’aliénation, de Loze, son étrangeté à toute buffoënade ou hystérie, l’abondance de pauses, pantomimes et le rythme généralement ralenti de l’action épiassent et distillent l’atmosphère sur l’écran, en permettant d’examiner sous la loupe, sans précipitation, l’anatomie psychologique de la situation filmée et ses parti-prenants.
Le discours des héroïnes de Loze est flou, ambigu et fragmenté, tout comme le véritable discours humain, n’étant qu’une pointe de l’iceberg des lacunes, présupposés et références, partagés par les interlocuteurs. L’ironie et le suspens, dont les vidéos d’Ariane Loze sont si profondément imprégnés, n’y trouvent jamais leur moment d’éclatement : cette rare capacité de créer un bain thermostaté d’émotion, de parler avec humour sans blaguer et de se moquer sans piqûres, on la trouve chez l’artiste, tout comme chez Voltaire dans ses Contes Galants. Une partie de vidéos de Loze (Like a hand on my wrist, Le Banquet, Dinner for 4) représente, d’une manière balzacienne et proustienne, la comédie humaine de nos jours, en décortiquant les habitudes de la société contemporaine comme un poisson.
Or, les intérêts de Loze ne se limitent pas à l’observation du quotidien: ses autres vidéos révèlent pas moins que la défectuosité fondamentale, l’absurdité des énormes couches de la vie et la culture, servant de piliers de l’ordre intellectuel en place – le discours quasi-psychologique de l’épanouissement personnel (Impotence), celui du management corporatiste (Profitability), ou même la théorie critique (Art Therapy session #1). Leurs personnages échangent de longues phrases grammaticalement correctes, n’ayant pas de signification précise ni correspondance entre elles. L’héroïne de Loze n’entend pas les autres, mais entend plusieurs voix à l’intérieur de soi – tel est le sens de la multiplicité des visages de l’artiste et sa solitude sur l’écran, tel est le diagnostic inquiétant, dont elle annonce à ses contemporains.
Nikita Dmitriev
BIO: Ariane Loze took part in the a.pass (Advanced Performance And Scenography Studies). During this year of research, she focused her work on the process of dismantling film editing and narration principles. She created a series of videos MÔWN (Movies on my own) in which the obstacles she chose make this research appear: she is the only one actress to perform all the characters and deals with the impossibility to make them figure at the same time in one frame. Through the editing, the illusion of the two presences can be created and it appeals to the spectator’s ability to use his imagination and create fiction. The filming of these videos has been made public as a on going performance at Palais des Beaux-Arts (Center for fine Arts, Brussels), at Tanzhaus Düsseldorf, at the Vooruit Kunstencentrum, Ghent, during the Dansand!-festival 2010 (Oostende) and in Brut, Vienna for the ImageTanz festival 2011.
Hinterhof is a short film based on the same principle as MÔWN (Movies on my own), realized with the support of the VAF (Flemish Audiovisual Fund). The series MÔWN (Movies on my own) develops further through invitation: Nuit Blanche 2014 (Brussels), Videoformes 2015 (Clermont-Ferrand), Traverse Vidéo 2015 (Toulouse), Medienwerkstatt Berlin at Berliner Liste 2015, Crisis Festival Paris in October 2015
* Kanal — Centre Pompidou
Quai des Péniches
1000 Bruxelles — Belgique
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