« LA MAISON DE THE », LA BELLE FENÊTRE THEÂTRALE DE MENG JINGHUI

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73e FESTIVAL D’AVIGNON . «La Maison de Thé» de Meng Jinghui – Jusqu’au 20 juillet à l’Opéra Confluence d’Avignon à 20h00.

De la patience, de la curiosité et de l’attention. Il en faut pour assister à cette oeuvre de Meng Jinghui tirée d’un auteur classique chinois, Lao She, l’une des premières victimes de la révolution culturelle instituée par Mao.

Le décor est impressionnant : une immense structure tubulaire métallique, pourvue de plateformes, formant un cercle d’une dizaine de mètres de haut en son milieu. Elle représente la célèbre maison de thé de Pékin, lieu traditionnel de rassemblement et d’échanges sociaux, qui servira d’image de la société chinoise. Elle est investie par une vingtaine de comédiens immobiles, chemises blanches et pantalons noirs, assis sur des chaises. Commence alors un long préambule fait de conversations hurlées en chinois entre villageois. Pour le spectateur dérouté, il s’agit alors de se concentrer sur le surtitrage français situés de part et d’autre de la scène. Un seul protagoniste sort du lot. C’est le propriétaire de la Maison de thé. En chemise grise, plus calme, comme en marge, il recommande d’éviter de parler des affaires d’état.

Les trois actes, les trois époques (chronologiquement l’Empire, la République en 1920, puis la Révolution) sont marqués par des fermetures de rideau donnant lieu à des improvisations en avant-scène de l’acteur principal* (par ailleurs plus proche d’un jeu d’acteur européen et donc de notre compréhension) ou à des vidéos illustrant un propos plutôt obscur pour le spectateur. Heureusement, un guitariste interprète en chanson un résumé du premier acte. Et un groupe de musique électro-rock dynamise la pièce et ses propos terribles sur la condition des femmes et du peuple chinois durant ce début du XXe siècle.

La roue du temps se met à tourner au dernier acte et donne lieu à une prestation spectaculaire de l’acteur principal. Une scénographie qui rappelle »Imitation of Life» du hongrois Mundruczo (l’influence du théâtre contemporain occidental est imparable).

Le cycle du temps est inexorable et les souffrances de la condition humaine perdurent, affirme Meng Jinghui, le monde végétal, lui, n’a pas la lancinante faculté de réfléchir, ni ne s’inflige l’accumulation d’émotions obsédantes.

Par le biais de son acteur cavalant au centre du tourbillon temporel, il nous sert alors un discours édifiant sur l’humanisme et la solidarité, ces derniers égarés au profit de la science, amenant les plus faibles à soutenir de leur plein gré les puissants. Paroles avisées s’il en est.

Aussi déconcertant et exalté qu’il soit, ce spectacle est une fenêtre sur une société située si loin/si proche de notre occident ordinaire, un questionnement sur la condition humaine universelle. Quelquefois fastidieux, non dénué de clichés et d’hermétisme, c’est aussi un essai théâtral qui confronte le spectateur à la transposition contemporaine d’une culture classique inhabituelle pour lui.

Le rouleau d’estampes qu’il déploie est cependant tout autant à l’image de nos différences que de nos similitudes.

Martine Fehlbaum

*Quel est donc son nom ? Impossible de l’identifier parmi la liste d’interprètes.

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Photos © Christophe Raynaud de Lage

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