LES ÎLES FANTÔMES DE HUGO DEVERCHERE, OU L’EXPERIENCE DE L’UTOPIE

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LA ISLA DE LAS SIETE CIUDADES – Hugo Deverchère – Galerie Sator, Komunuma, Romainville – jusqu’au 16 mai 2021

Hugo Deverchère explore des territoires éloignés et les représente vierges de présence humaine afin de mettre en lumière leurs particularités géologiques. Certains comme la mine du Rio Tinto sont exploités et façonnés par l’homme. C’est aussi ce rapport entre naturel et artificiel qui intéresse l’artiste.

À la galerie Sator, il recrée un paysage qui se modifie avec le temps, notamment avec nos pas. Son projet a pour point de départ une recherche qui remonte à la fois aux origines d’un ensemble d’îles fantômes situé au large de la péninsule ibérique au XVe et XVIe siècle et aux liens avec nos mythologies contemporaines. L’artiste a enquêté sur des milieux naturels qui pouvaient ressembler aux descriptions qui restent de cet archipel fictif.

Cette exposition réunit des œuvres issues de ses découvertes de différents territoires. L’artiste associe photographies de paysages et d’éléments vus au microscope avec des installations, machines qui relèvent de l’ingénierie scientifique.

Hugo Deverchère considère le minéral comme une entité vivante, une matière qu’on peut retrouver dans différents états. Dans des aquariums, du sel se cristallise par un système de refroidissement, alimenté par des éléments venant de divers lieux explorés. Ses contenants en verre ressemblent à des minerais. Ses œuvres contaminent l’espace de la galerie. Des substances s’échappent et reproduisent des concrétions géologiques.

Ses photographies de paysages sont constituées de centaines d’images recombinées à partir du même point de vue, offrant alors une vision supra humaine, un procédé notamment utilisé en astrophotographie. Ses images se raccordent entre elles. L’artiste établit des liens entre les découvertes des particularités des sites qu’il a arpenté. Les pigments sécrétés par un micro-organisme dans un lac salé se retrouvent projetés dans un désert, milieu qui résulte de l’assèchement d’un autre lac salé préhistorique. Il dévoile également des éléments vus au microscope, dans des images formées par la matière qui les constitue. Des parallèles s’établissent entre des terrains qu’il a photographiés et des lieux d’étude du cosmos. « Lorsque j’ai commencé à travailler sur le projet, je me suis rendu compte que les territoires que j’avais pu identifier entretenaient déjà un lien avec des recherches en cours sur la recherche astronomique, exo planétaire ou exobiologique. » précise-t-il. Une photographie d’un observatoire est ainsi présentée en parallèle de celles des sites où il est allé. Il a également récolté un fragment de terre qu’il a associé avec une photographie de la surface lunaire. Des coordonnées géographiques associent le lieu de collecte et la surface de la lune. Cette composition fait écho à ses photographies de milieux naturels.

Ses œuvres sont interconnectées par un réseau sous-terrain. Au centre de cet écosystème en activité, deux vidéos, réalisées à partir d’un procédé de visualisation scientifique, dévoilent les mouvements de l’air. Des territoires réels deviennent lieux de phénomènes naturels imperceptibles. Les distances entre les sites de prélèvements de matières semblent être abolies, ce qui sous-tend des parallèles entre des régions éloignées aussi bien dans le temps que dans l’espace. Une part de mystère réside dans cette exposition qui unit divers terrains, roches et nous invite à prendre la posture d’un explorateur d’un paysage en formation.

L’artiste interroge nos désirs d’explorer toujours plus loin et notre envie de s’approprier des sites encore inexplorés. « Souvent je m’inspire d’une histoire, d’une expérience ou d’une recherche humaine. Ces histoires témoignent d’une volonté vaine et illusoire du contrôle et de l’emprise de l’homme sur son environnement. Cette dimension illusoire m’incite à décaler le point de vue, et à observer comment les choses se déroulent et apparaissent en dehors de notre présence, de notre contrôle, de notre emprise. » explique-t-il. Hugo Deverchère met en évidence des territoires vus sous un angle différent que celui habituel, trop antropocentré. Il observe les phénomènes physiques qui se déroulent durant son exposition et se laisse surprendre par ce qu’ils produisent.

Son exposition associe ainsi des procédés scientifiques, des expériences physiques et celles de paysages qui relèveraient du sublime. Des traces colorées apparaitront au fur et à mesure des rencontres des substances qui s’échappent peu à peu des formes en verre. Ce qui laisse supposer l’apparition de dessins d’un réseau à venir. Certaines œuvres continueront ensuite de vivre dans le temps.

Pauline Lisowski

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Images: vues de l’exposition – copyright the artist – courtesy galerie Sator – crédit photo Gregory Copitet.

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