« ZEPHIR », UN GRAND CALME AVANT LA TEMPÊTE ?
Zéphyr – Mourad Merzouki – Maison de la danse de Lyon, jusqu’au 22 janvier 2022
Un grand calme avant la tempête ?
« Zéphyr », la nouvelle création de Mourad Merzouki, présentée ces jours-ci à la Maison de la danse, ne vaut presque que pour constater, à travers cette pièce douce et apaisée, le chemin parcouru par le chorégraphe depuis ses premières créations où la rage et la volonté de montrer étaient le moteur, alors qu’avec « Zéphyr », il laisse planer une langueur contemplative que la musique taillée sur mesure d’Armand Amar accompagne.
Le décor est sans doute une métaphore des navires et de leurs coques qui laissent apparaître des hublots à fleur d’eau qui vont se révéler, tout au long du spectacle, des ouvertures astucieuses et pleines de mystères.
Le vent est au centre du projet. Le vent qui souffle sur l’océan Atlantique d’où part l’idée de cette pièce, mais aussi celui du sud, plus familier au chorégraphe.
Au début du spectacle, un petit ventilateur rassemble les deux danseurs, dans un rai de lumière qui ne laisse rien deviner d’autre. Le duo au sol ne pousse pas les interprètes à la performance. Il laisse voguer les corps lentement au sol dans une sorte d’harmonie apaisante qui ne quittera pas la scène.
Les dix danseurs vont ouvrir les brèches dans le U de bois qui est sur la scène. Tantôt fenêtres, tantôt poste des machines, les figures vont se succéder et donner toute son importance à ce dispositif à la fois concret et abstrait tant il est exploité dans ses moindres recoins. L’harmonie avec la danse et cette scénographie de Benjamin Lebreton n’est possible que grâce aux lumières sans fioriture inutile de Yoann Tivoli. Les images sont subtiles, les ventilateurs à la fois source de vent et moteurs puissants de bateaux créaient des figures étranges, pupilles scrutatrices face à nous.
Les digressions de Mourad Merzouki autour du vent se retrouvent aussi dans la danse et les grands gestes des bras, copiant les hélices des moulins à vents – on n’ose plus dire éolienne de peur de créer une polémique ! – ce sont des propositions que le chorégraphe déploie avec malice, créant autant d’illusions d’optique que d’angles possibles, permettant des ensembles riches et des comptes à n’en plus finir…
Le créateur de la compagnie Käfig semble assagi, en pleine possession de ses moyens et l’agitation d’un long drapeau blanc n’est pas seulement là pour signer l’armistice mais est aussi le signe d’une revendication sur des barricades qu’il voit encore, ou des voiles qui le poussent vers une ère nouvelle où toute sa grammaire se déploie et où sa danse porte ses idées dans un calme qui peut surprendre et faire penser à cette phrase de Corneille : « ce grand calme prépare un dangereux orage, prévenez-en sa secrète rage »… Prenons garde à la prochaine création où Mourad Merzouki peut très bien sortir de son apparente sagesse.
Emmanuel Serafini
Photo Laurent Philippe