FESTIVAL D’AVIGNON. »DU TEMPS OÙ MA MÈRE RACONTAIT » : LA SAGRADA FAMILIA

Kunstfest 2021 in Weimar

76e FESTIVAL D’AVIGNON. « DU TEMPS OÙ MA MÈRE RACONTAIT » – Ali Chahrour – 21 au 23 – 25, 26 juillet – Cour Minérale de l’Université.

LA SAGRADA FAMILIA

Pour la troisième fois, le chorégraphe Libanais Ali Chahrour revient à Avignon avec ce qui devient une pure saga familiale, incroyable vivier se son inspiration. Pour cette 76ème édition du Festival, il nous présente un nouveau triptyque qui donne à voir l’amour filial mais où, comme toujours chez lui, la mort rode, le sentiment de peine et de perte aussi.

Même s’il nous manque de nombreux codes des rituels du Proche et du Moyen-Orient, même si des images semblent déjà vues dans ses précédents travaux – mais ne voit-on pas sempiternellement des Piétas, des Christ en croix dans nos représentations occidentales ? – cette ode à la famille prend tout de même bien à la gorge et suscite des émotions universelles.

La scène est bien délimitée. Vaste carré, recouvert d’un tapis de danse noir. Au lointain une sorte d’estrade, des chaises, des bancs, ce sera les coulisses, en quelque sorte, puisque personne ne ressortira de cet espace de jeu.

L’immense comédienne – et définitivement chanteuse ! – Hala Omran, actrice découverte en France lors de la mythique et inoubliable Epopée de Gilgamesh, mise en scène en 2000, ici même à Avignon, par Pascal Rambert, s’approche du micro déjà en place. Elle commence une prière. Elle est accompagnée d’un Oud et d’une percussion sonorisés dont la musique englobe toute la cour minérale pendant que la comédienne avance dans l’énumération de toutes les séquences de ce chant, heureusement traduit et dont on comprend qu’il indique en quoi l’Islam est la vraie religion et vient parachever le message de Dieu…

Puis Hala Omran explique le projet avec une simplicité désarmante et sensible. Fatmeh, la tante du chorégraphe, perd son fils Hassan à la guerre. Inconsolable, dans le déni, elle recherchera son fils dès le jour de l’annonce de sa disparition en 2015… Pour cette partie, le chorégraphe prévoyait de faire chanter sa tante, hélas disparue, sans avoir retrouvé la trace de son fils, en 2018. Il lui rendra, en quelque sorte, un hommage en la faisant entendre avec Hassan dans un chant qui clôturera le spectacle.

Vient après l’histoire de Laïla Chahrour la tante du chorégraphe et de son fils Abbas, destiné à partir à la guerre et que sa mère garde avec elle, de peur de le perdre. Déchirant duo. Tendresse maternelle, dévouement filial. Abbas est sur scène. Il mime de nombreux rituels comme la toilette des morts qui figure au rang des incontournables des obligations pour les musulmans… Le chant de Laïla, ses invocations son autant de cris poussés au nom des mères du monde et que le public ressent dans la salle à ciel ouvert de la Cour minérale.

Dans ce spectacle, Ali Chahrour danse peu. Il n’est pas au centre et, de fait, dès qu’il apparaît c’est une grâce absolue. Il donne à l’ensemble tout le liant qu’il manquerait sans lui.

« Toi qui vas à Damas… », chante Hala Omran. Chant qui rappelle cette guerre sans fin qui oppose les sunnites aux chiites dans cette région du monde.

Quelques séquences marquent comme cette crise de spames d’Abbas, torse nu. Son corps qui repose un instant. Ali et Abbas dansent ensemble. Âme flottante, Ali Chahrour, appuyé sur Abbas, solidement droit, se laisse envahir par cette danse.

Le final est poignant. Laïla décrit un rêve qu’elle avait fait où elle se trouve devant le portail d’une ville. La séquence finit avec une sorte de bas-relief vivant, elle assise, les cheveux de Hala sur ses genoux, tous les autres, des hommes, autour d’elles et un long poème suivi d’un long cri à la face du monde. Le cri des mères qui perdent leurs fils.

Remercions le Festival d’Avignon pour sa fidélité à ce jeune artiste qui, depuis son premier passage dans le Festival a nettement progressé dans la maîtrise de son sujet et, des lumières au son, de la dramaturgie à la mise en scène, affine son écriture et son message qui devient plus puissant et plus limpide.

Emmanuel Serafini

Photo Candy Welz

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