UP UP UP ICI ET MAINTENANT !

OVERBOOKLa chronique de Camille Hamaouch

 
Up Up Up / Möör / un CD The Other Colors.

Up Up Up Il s’agit donc de faire face à cette triple injonction : seule, elle s’apparente à un ordre, mais répétée, elle devient un constat. Car à l’instar de l’éden guyotien qui, triplé, n’est plus paradis mais terre et chair filées au présent, Up Up Up trois fois devient le fait même d’être debout, et suggère d’évidence la grave ineptie de ne pas se lever au plus vite.

Le mot Up lorsqu’on le prononce est souffle court, souffle total que les lèvres concluent d’une labiale définitive. Mot soufflé, mot incarné… définitif répété pour repousser l’irrémédiable… sont quelques-unes des règles de la prosodie savante propre à Möör, qui nous invite à la suivre dans un jeu tourbillonnant de métamorphoses et de mutations verbales, déclinées d’une voix tour à tour charnelle, lascive, heurtée, brusque, volontaire, altérée…

Cette parole, associée à la musique électronique de Laurent Chambert, tient plus de l’incantation que de la poésie, de l’invocation pop que de la chanson. Elle fonctionne en déflagrations multiples. Elle se construit dans le temps en dérapages, en dérives sémantiques qui font fonctionner ensemble des notions qu’elle refuse antinomiques pour les affirmer complémentaires… ne se combattent pas en dualités mais s’affrontent et se fondent en une complexité logique. Il y a de la mystique ici, bien sûr. Mais une mystique païenne, de celles qui honorent la nature et son inquiétante générosité, le corps et son langage, le désir et ses excès, la désobéissance à toute contrainte extérieure… de celles qui furent de tout temps pourchassées par les inquisitions du monde entier.

Ici pas de désunion ni de rupture entre la tête et le corps, c’est l’esprit mêlé à la chair qui parle en Pythie contemporaine ; c’est Mélusine rebelle qui révèle au monde le mystère (mais révéler ne signifie pas expliquer) ; c’est un culte à l’universalité de l’un(e) ; c’est une lutte de chaque instant contre l’enfermement (de soi et en soi) ; c’est un appel à une volupté immédiate et sans fin qui serait combat vital (volupté / massacre) ; c’est le vertige ultime de savoir qu’il faut risquer de se perdre pour jouir d’un instant de souveraineté (ici-même se joue le monde).

Moör ouvre une fracture du sensible qui ne peut ni ne veut se refermer, pour rester définitivement béante. Les sens à fleur de mot elle nous laisse à vif, le plaisir offert ici ne laissant pas indemne ceux et celles qui ont voulu y goûter – encore faut-il en accepter les règles du jeu et prendre le risque du trouble.

Et lorsque Möör érotise nos esprits en nucléarisant le mot volupté sur une variation techno particulièrement festive, nous voici incapable de dire si les mouches que l’on entend bourdonner entre deux phrases musicales sont celles qui hantent nos étés moites, gorgés de langueur et de désirs ; ou bien d’autres qui grouillent autour d’une charogne, encore tiède, exposée au soleil… Car, lucide, Marie Möör sait nous dire que si la lumière monte des corps, c’est également en eux qu’elle s’éteint.

Alors, pour que cette lumière vive, plus que jamais, plus que tout, malgré cette fin du monde annoncée et proche :
Up Up Up


Camille Hamaouch

Up Up Up / texte & voix : Möör / Musique : Laurent Chambert / Label : The Other Colors / En téléchargement sur les principales plate-formes de vente / pour + de renseignements : http://www.theothercolors.com/

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