LAURENT LE DEUNFF : A L’ORIGINE

Exposition Laurent Le Deunff / FRAC Basse Normandie (Caen) / Jusqu’au 23 septembre 2012.

Le FRAC Basse-Normandie présente actuellement une exposition monographique de Laurent Le Deunff (né en 1977, vit et travaille à Bordeaux). Sculpteur et dessinateur, il développe depuis le début des années 2000 un art inspiré par la nature.

Il dessine des chasseurs en forêt, des couples d’animaux en rut, des autoportraits énigmatiques. Il donne forme à des objets immédiatement identifiables : des coquillages, des trompes, des tentes, des animaux. Au fur et à mesure il s’est constitué un répertoire iconographique et matériel qu’il se plaît à travailler et retravailler au moyen de matériaux surprenants et déconcertants. Ainsi il sculpte son autoportrait au creux d’une dent de vache, réalise des tentes en peaux de buffle, donne vie à un morse crée à partir de mousse et de scotch, érige des pyramides en paille et en bûches ou sculpte de l’albâtre noir pour obtenir un os. La chair se fait pierre, le bois se fait chair. L’objet identifié est ainsi détourné et réinterprété grâce à une réflexion non seulement tournée vers la forme, mais aussi vers la perception et les sens. L’exposition normande en offre quelques exemples.

Les œuvres sont réparties en deux salles distinctes. Au rez-de-chaussée, nous sommes accueillis par des coquillages surdimensionnés disposés sur des socles métalliques aux formes épurées ou bien enfourchés sur des tiges. Nous sommes ainsi invités à circuler dans l’espace et à tourner autour de ces étranges coquilles, qui peuvent également nous amener à penser à des ossements. L’une d’entre elles contient une coquille de noix sculptée dans le bois. D’une coquille à une autre, Laurent Le Deunff instaure un mystère. Ses pièces sont des curiosités partagées entre naturalisme et surréalisme. Un naturalisme galvaudé puisque toutes les pièces sont conçues à partir de matériaux de récupération : papier mâché, grillage à poule et ciment. Notre perception des objets est brouillée : dimensions, poids, matériaux, une nouvelle relation est proposée. Le familier et l’énigmatique dialoguent.

Les matériaux utilisés proviennent de l’environnement direct de l’artiste, il s’accommode de ce qu’il a et en extirpe des objets faussement naturalistes. À l’image des deux trompes d’éléphant fixées aux murs. Elles intriguent et attirent le regardeur. Fabriquées à partir de papier mâché et de ciment, elles semblent s’extraire du mur derrière lesquels les imposants mammifères peineraient à se cacher. Une impression que nous retrouvons avec Galerie de Taupe (2012), une reconstitution en carton-pâte et en ciment d’une galerie creusée par des taupes. Ce qui est habituellement caché, puisque souterrain, est révélé. Elle conserve toutefois une note marine avec sa silhouette corallienne.

À l’étage, les trompes se démultiplient, s’allongent et s’entremêlent. La série Nœud de Trompe dialogue avec l’espace, aux murs et au sol. Les trompes grises enserrent des coussins en velours, une vieille planche ; elles s’enroulent autour d’une souche d’arbre. L’une d’entre elles, disposée au sol, prend la forme d’un nœud marin, comme un écho aux coquilles vides. La trompe se fait serpentine. À propos des matériaux il précise : « C’est généralement le matériau qui m’inspire, me donne envie d’envisager d’y faire une forme, souvent figurative et je mise sur le décalage vis-à-vis du sujet pour évoquer de multiples lectures. Je n’ai pas d’atelier fixe et dans la mesure du possible, je réalise mes pièces dans l’endroit où je suis invité, le contexte et les rencontres sont déterminants. Je n’aime pas dessiner ou réaliser des croquis préparatoires, par contre, je me sers de temps en temps de formes préexistantes mais le plus souvent je les abandonne lors de la réalisation pour essayer de profiter des particularités, des qualités, de la résistance et des défauts de chacun des matériaux que j’utilise. »[1]

Entre Arte Povera, écologisme, naturalisme et art conceptuel, les productions de Laurent Le Deunff nous parlent de notre société en crise. Tantôt modelées dans des matériaux triviaux, tantôt façonnées dans des essences nobles, ses pièces étonnent, amusent et déploient une multitude de sens, d’interprétations et de connexions. Si la nature est sa première source d’inspiration, l’homme, l’objet et sa fonction jouent un rôle essentiel. L’homme et la nature (animale, végétale, organique) sont examinés avec attention au moyen de matériaux liés au quotidien. Au moyen d’un discours visuel qui vient troubler notre perception, l’artiste propose une tentative de réconciliation entre l’humain (constructeur, destructeur, consommateur) et son environnement (nature & culture). Les sculptures soulignent une distance qui s’est accentuée, qu’il est nécessaire d’atténuer pour finalement retrouver un équilibre sur le point de rompre.

Julie Crenn

Exposition Laurent Le Deunff, du 6 juillet au 23 septembre 2012. FRAC Basse Normandie (Caen).
Plus d’informations sur l’exposition : http://www.frac-bn.org/
Plus d’informations sur l’artiste : http://www.laurentledeunff.fr/
Galerie Semiose (Paris) : http://www.semiose.fr/artistes/oeuvres/9436/laurent-le-deunff.

[1] DRESSEN, Anne. Entretien avec l’artiste, 2010. Disponible en ligne : http://www.laurentledeunff.fr/textes-presse/anne-dressen-entretien-mai-2010/.

Visuels : 1, 2 et 3 : Vue de l’exposition Laurent Le Deunff, FRAC Basse Normandie, 2012. Courtesy : Galerie Semiose.

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