LA MARQUISE DE CADOUIN : POURRITURE ET DELIQUESCENCE D’UNE ARISTOCRATIE SOUS LA TERREUR

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La Marquise de Cadouin (Les Cadouins #3) / Théâtre du Rond-Point / de Gaëtan Pau et Quentin Defalt / Du 4 décembre 2012 au 6 janvier 2013.

A quoi aurait pu ressembler l’existence de l’aristocratie sur le chemin de la déchéance, lorsque tous ses privilèges et ses têtes tombent sous un même régime : la terreur ?

L’action se déroule à Paris en juillet 1793. Une marquise s’enferme, la marquise Marie-Aimée de Cadouin. Elle est vieille, sénile, pourrie jusque dans sa chair. Son existence ne trouve de raison qu’en la possession de richesses et de bijoux. Autour d’elle, gravitent cinq personnes : un abbé pleutre, un jacobin peu scrupuleux, un cousin intégriste, un jouet domestique serviable corps et âme, un fils inverti convaincu d’être fille, nommé « Marie-Agrippine ».

Ces personnages sont maquillés tels des revenants et produisent une atmosphère des plus troublantes, qui tient en haleine le spectateur avec une question en exergue : jusqu’où sont-ils prêt à aller pour sauver leur peau ? Quentin Defalt et Gaëtan Peau ont su trouver un bel équilibre dans cette composition, fait de personnages à la fois outranciers et justes.

Ils dressent ainsi le portait sans complaisance d’une nature humaine méprisable. Si, dans un premier temps, le spectateur refuse de reconnaître ces personnages, la symbiose agit dans un second temps. Cette symbiose s’explique par la présence de ces acteurs remplis d’une conviction et d’une drôlerie pénétrantes. L’espace qu’ils proposent fonctionne car il est avant tout partageable par tous, il trouve son horizon du coté de la médiocrité, de la fragilité humaine. Car selon Quentin Defalt : « la médiocrité est à la fois un ressort dramatique et un terrain commun à tous, riches comme pauvres, d’une culture comme d’une autre ».

D’ailleurs cette médiocrité n’épargnera personne ; et c’est peut être là, le coup de grâce de cette pièce. Parvenir à remettre en question une certaine forme de rapport vis-à-vis de la culture en regard de cette aristocratie dégénérescente. Elle trouve un écho aujourd’hui chez «le philistin cultivé», il transparaît avec «Marie-Agrippine». On prend plaisir à observer sa manière d’exhiber ses objets culturels sans pudeur, n’ayant plus ici de valeur : quelques vers extraits de Britannicus de Racine. Marie-Agrippine justifie sa position sociale avec ces vers. Personne n’est épargné, elle va jusqu’à soumettre sa naïve servante à cette langue racinienne, pour affirmer encore mieux aux yeux de tous son autorité. Or plus qu’une représentation d’un Britannicus massacré et inapproprié digne de la Comédie Française, ce désir aristocratiques finira par prendre un tournant dramatique.

Voilà un bel exemple d’un théâtre qui montre les choses telles qu’elles sont aujourd’hui, à travers le prisme de l’histoire.

Quentin Margne

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