« LA PIECE DE THEÂTRE EST UN MORCEAU DU MONDE » : ENTRETIEN AVEC OLIVIER PY

le-nouveau-directeur-du-festival-d-avignon-olivier-py-le-24-juillet-2013-a-avignon_4045013

ENTRETIEN AVEC OLIVIER PY

ll y a le directeur Olivier Py qui a pris ses fonctions à la tête du festival d’Avignon en septembre dernier. Il y a aussi l’artiste. Deux casquettes, un seul discours. Revenu de quelques jours d’exil sur l’île d’Ouessant où il s’est retranché pour commencer à écrire “Orlando ou l’impatience”, l’auteur, acteur et metteur en scène a donné à la FabricA, un avant-goût de sa création qu’il présentera en juillet prochain. Rencontre avec un grand amoureux du théâtre.

Vous êtes directeur du Festival d’Avignon, artiste avant tout, et donc doublement acteur de ce rendez-vous à la renommée internationale.  Arrivez-vous vraiment à dissocier vos deux personnages ?
D’abord ce ne sont pas des personnages.  C’est la vérité. C’est ce que je suis. Ce n’est pas un masque. Et non, je n’arrive pas à dissocier mais je n’ai pas non plus la volonté de les dissocier. Je crois qu’il y a un directeur-artiste et c’est politiquement très important qu’il y ait des artistes qui soient directeurs. Donc je n’ai pas du tout envie de dissocier les deux rôles ; ça ne veut pas dire que je fais une programmation ou une direction “artistement” ; ça veut dire simplement que j’ai une expérience qui part du plateau, qui part de la réalité des artistes et aussi que j’ai des sensibilités particulières pour ce qui ne me ressemble pas. On pense souvent qu’un directeur-artiste va programmer ce qui lui ressemble. Or, c’est exactement l’inverse qui se produit.

Vous allez présenter en juillet 2014 “Orlando ou l’impatience”. Comment est né votre personnage en quête de son père biologique ?
Je ne suis pas sûr que dans mon processus d’écriture, naisse en premier un personnage.  J’ai travaillé sur différentes formes de personnages. C‘est plutôt la forme même d’une pièce. J’ai travaillé sur des formes, sur des projets littéraires très différents les uns des autres. Ma dernière pièce « Illusions comiques » était un drame romantique, assez violent, et logiquement j’ai eu envie de reprendre les mêmes idées parce que, on fait avec ce que l’on est. Quand on écrit, on est sincère. Cette fois-ci, j’avais envie d’une forme de comédie… quelque chose de rapide et d’un peu plus léger. Ça ne veut pas dire que ce ne sera pas plus profond. Quelquefois la comédie est beaucoup plus profonde que le drame qui s’écoute écrire.

Vous parlez d’une comédie politique, qu’entendez-vous par politique ?
Oui, j’ai beaucoup dit ça. D’abord parce que j’ai fait cette expérience du politique, surtout ces dernières années. Chacune de mes pièces est un peu un journal de bord. Tous les personnages me ressemblent évidemment. Etre un homme de théâtre, c’est toujours affronter le politique. Et puis, ma manière à moi de faire de la politique, c’est en dirigeant des grandes institutions. J’ai voulu aussi revenir sur cette aventure-là. Donc, bien sûr que c’est politique, mais c’est surtout la question des rapports entre l’artiste et LE politique.

Où en êtes-vous de l’écriture de votre pièce ? Avez-vous calé la distribution ?
La distribution a avancé.  Je sais que Mathieu Dessertine et Philippe Girard me rejoindront. Il y aura sept ou huit comédiens sur scène pour incarner une trentaine de personnages.  C’est une pièce étrange car j’ai décidé de casser la forme classique et de faire une pièce en sept actes, qui ressemble donc plus à une forme de feuilletons….  ça n’existe pas sept actes. C’est complètement délirant…

Peut-on dire qu’il y a sept pères ?
Oui, c’est ça. Orlando cherche son véritable père et à chaque acte, sa mère lui donne un nom différent et il essaie de se rendre conforme à l’image qu’il a de ce nouveau père qu’il rencontre et à chaque fois, il découvre que ce n’est pas le bon et il continue. Et puis il y a le personnage du ministre de la Culture avec qui Orlando a un lien privilégié qui est fait de passion, de violence, de désir, de rejet. Ce ministre de la Culture, il va le suivre toute sa vie. C’est une sorte d’adversaire spirituel auquel Orlando est confronté. L’écriture théâtrale est une spiritualité. Il faut confier le sens au processus dramatique.  Je ne sais jamais vraiment quel va être le point final lorsque je crée…

Vous mêlez une fois de plus la religion, le sexe, la philosophie et l’Histoire avec grand H.  Provocation ou prise de conscience du monde actuel ?
Je pense que les grandes pièces de théâtre n’ont pas de sujet. Le théâtre qui a un sujet c’est toujours du mauvais théâtre.  La pièce de théâtre, c’est un morceau du monde dans lequel la totalité du monde se reflète. Et donc il n’est pas imaginable que dans une pièce de théâtre, l’amour, le désir, la politique, la question de Dieu, la mort, le théâtre lui-même ne soient présents. C’est la grande leçon qu’on a de Shakespeare.  Dans chacune des pièces, il y a toutes les thématiques qui s’entremêlent et qui font une sorte de tissus de sens pour créer un éblouissement.  Alors ça fait que j’ai bien du mal à dire pourquoi je parle de Dieu, du sexe, de l’Art, de la mort ou de la politique. Je ne crois pas qu’il y ait d’autres sujets, par contre c’est la forme qui change… Quelquefois, je suis Strindberg et là je vais peut-être suivre un peu Molière.

Dans quel lieu allez-vous présenter votre création ?
Oh, à la FabricA… je n’ai pas vraiment hésité. J’avais envie d’être dans un lieu qui était neuf pour moi. Ce sera aussi pratique parce que je vais répéter très en amont, au mois d’avril et mai, et puis je m’arrêterai pour préparer le festival d’Avignon. Et je reprendrai les répétitions sur quelques jours avant l’ouverture du Festival

Vous êtes auteur, acteur et metteur en scène. Serez-vous sur scène ?
Non, je ne peux pas me le permettre. J’adorerais car j’adore jouer avec mes camarades. Mais ce n’est pas envisageable du fait de ma fonction de directeur.

Si vous étiez un peintre, quel tableau dessineriez-vous pour illustrer “Orlando ou l’impatience” ?
Ce serait une sorte de Bausch foisonnant avec beaucoup de personnages, qui seront grotesques, plus un ministre de la Culture qui serait fort utile pour déplier la question du politique. Ce serait peut-être « Le jardin des délices»…

Propos recueillis par Violeta Assier

Photo Boris Horvat

Laisser un commentaire

  • Mots-clefs

    Art Art Bruxelles Art New York Art Paris Art Venise Biennale de Venise Centre Pompidou Danse Festival d'Automne Festival d'Avignon Festivals La Biennale Musiques Palais de Tokyo Performance Photographie Théâtre Tribune
  • Archives