FESTIVAL D’AVIGNON : LE SORELLE MACALUSO , EN IMMERSION DANS LE THEATRE SOCIAL D’EMMA DANTE

Le-Sorelle-Macaluso

68e FESTIVAL D’AVIGNON : Le sorelle Macaluso / mes Emma Dante / Gymnase Mistral / du 7 au 15 juillet – 15h.

La palermitaine Emma Dante produit un théâtre social, viscéralement enraciné dans la réalité sociologique d’une ville souvent misérable, qui à l’instar de Naples et de toute une partie de l’Italie profonde, subit de plein fouet la crise financière et l’omniprésence des mafias. Avec « le sorelle Macaluso », Emma Dante dresse un portrait sensible d’une italie oubliée, s’immergeant dans ce no man’s land végétatif, où il faut survivre la rage aux dents, où les petites gens ne comptent pas, ou si peu.

Les soeurs Macaluso sont de celles-là, des oubliées, vivant en autarcie dans une famille qui pour elles représente le dernier rempart contre l’exclusion totale de la société des hommes. Une famille où l’on a si peu le temps de prendre du temps, du bon temps. Et pourtant, les soeurs rient tout de même, leur joie affleure à chacun des instants de cette vie repliée, comme mise entre parenthèses. Mais c’est une joie lourde, oblitérée par les non-dits, les rancoeurs et les blessures. Une joie où l’on compte ses morts.

Emma Dante utilise une forme très sobre pour dire l’intimité singulière dont elle traite. Sa mise en scène est frontale, sans fard, alignant d’emblée face au public un mur de comédiennes puissantes, vissées sur le plateau nu. Un front combatif de matière féminine, qui parle, chante, danse, vibrionne dans une langue palermitaine virevoltante. C’est avec cet affrontement que le public doit faire. Impossible de s’en extraire.

Le travail précis de la direction d’acteurs, la grande rigueur de la mise en scène, voilà les ingrédients de cette remarquable réussite. Pas de gras. Tout est impeccablement calé, placé, chorégraphié. Les corps des comédiennes emplissent totalement l’espace, on en sent la chair palpiter sur le plateau. Une sensualité redoublée par la volubilité des gestes, parfois même des attouchements, légers mais pleins de vie.

Le sorelle Macaluso est une tragédie moderne, qui vire souvent à la comédie, une comédie triste mais infiniment vivante. Un formidable chant d’amour pour ces invisibles qu’Emma Dante aime si bien.

Marc Roudier

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