« VIVE LE SUJET ! » SERIE 3 : UN « POURVU QUE LA MASTICATION NE SOIT PAS LONGUE » EPOUSTOUFLANT
75e FESTIVAL D’AVIGNON : « VIVE LE SUJET ! » – SERIE 3 : « POURVU QUE LA MASTICATION NE SOIT PAS LONGUE » Hakim Bah – « ETUDE 4, FANDANGO ET AUTRES CADENCES » Anina Alegre. Au Jardin de la Vierge du Lycée Saint Joseph, jusqu’au 24 juillet à 11h.
On avait fortement apprécié « Convulsion », le texte de Hakin Bah, mis en scène par Frédéric Fisbach, au Théâtre des Halles d’Avignon lors du OFF de 2018 et puis différents travaux présentés au Tarmac à Paris et le voici invité à cet exercice de la demi-heure dans le Jardin de la Vierge, la troisième série de ce « Vive le sujet ! », qui n’a jamais aussi bien porté son nom avec cette proposition coup de poing qui a laissé tout le monde scotché dans son fauteuil du gradin du Lycée St Joseph.
VIE ET MORT D’AMALOU DIALLO.
Sur le plateau tendu d’un tapis de sol gris sourie, trône déjà une chaise roulante à l’assise métallique, deux seaux au lointain sous le désormais célèbre magnolia, un drapeau blanc flottant au vent. Un homme est assis à même le sol, entouré d’instruments et d’ordinateurs. Il s’agit de Arthur Barlett Gilette. Une grande roue de fer est au sol. Juan Ignacio Tula fait son entrée. Il se prépare par une marche volontaire sur cette petite scène. Surgit par la porte du lointain Hakim Bah lui-même, équipé d’un micro, habillé d’un pantacourt, d’un t-shirt et d’un casquette US. Il commence son récit pendant qu’on entend toutes les questions qui sont posées à toute personne qui met le pied sur le sol américain. Hakim Bah enchaine. Il parle du travail de cet « aventurier prêt à tout » pour avoir sa part du de la big apple, de son travail six jours sur sept, de ses courses à vélo de livreur, puis de sa vente d’objets en tous genres dans la 14ème rue de NY – USA. Il décrit la ville, son bruit, sa force, sa puissance négative. Il dit l’effort pour ne penser à rien qui le rattache à ses racines, à ce besoin de s’intégrer. Puis c’est le hasard, l’incident, la nuit, des cowboys, des excités de la gâchette et cric, crac, ratatata… il est mort, tué de 41 balles de fusil automatique… Une aurait suffi, deux peut-être, mais 41 ! Quatre contre un, pas besoin de parier. « la douleur s’est évanouie dans la mort » dit Hakim Bah splendide conteur, interprète sans concession de son propre texte-hommage… Juan Ignacio Tula est là comme ces 41 balles qui vont fondre sur cet homme noir abattu dans le Bronx en 1999, mais c’est en fait la même histoire avec ces NOT GUILTY à la fin… Arthur Barlett Gilette est le soutien sans faille de ce récit. Rien à dire que MAGNIFIQUE et surtout d’une intensité aussi bien dans l’écriture ciselée de Hakim Bah que dans la rotation pleine de fièvre de Juan Ignacio Tula. Un ensemble poignant qui consacre parfaitement ce principe d’un sujet qui appelle à vivre !
HISTOIRES DE SA DANSE.
Sans transition, comme le dit la formule, la danseuse Aina Alegre nous offre un petit tour au pays basque et c’est tant mieux parce qu’on ne connaît rien et en tous les cas pas assez la tradition folklorique de ce coin de France qu’elle nous fait découvrir à travers ce duo qu’elle partage avec Yannick Hugron. « Etude 4 » induit que la chorégraphe est dans une longue recherche sur le frappé dans la danse et c’est peut-être ce contexte et son enchevêtrement avec cette 4ème étude qui nous manque pour être complètement convaincu par cette proposition qui se regarde (et s’écoute) avec joie ! Tous deux en blanc, short et T-shirt, ils proposent des petits sauts et frappés qui viennent balayer le plateau. Yannick Hugron se rappelle que pour lui tout a commencé par la danse folklorique, dans son village… Fandango et Carnaval seront les occasions de montrer toute l’étendue de sa dextérité… les voix off se mêlent au son des pas de la danse. Il y a une belle qualité, une grâce certaine, malgré tout, l’attention se disperse faute d’autres choses à voir (ou à entendre !) qui viendraient saisir l’empathie du spectateur… Tout cela donne envie de faire un tour dans le Pays basque ce qui est déjà pas mal !
Emmanuel Serafini
Images : POURVU QUE LA MASTICATION NE SOIT PAS LONGUE Hakim Bah – Vive le Sujet 3 – Photo Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon