FLAMENCO NÎMES : LA MAGIE D’UN FESTIVAL D’EXCEPTION
DOSSIER : FESTIVAL FLAMENCO NÎMES 2012
Le Festival Flamenco de Nîmes a ouvert ses portes le 9 janvier dernier avec une programmation imaginative qui, tout en affichant une extrême modernité, pérennise le grand art en ses racines et tradition. Reconnu comme l’un des plus importants du genre, Flamenco Nîmes s’est peu à peu installé dans le paysage international comme un rendez-vous incontournable pour les aficionados.
Grand chant et danse contemporaine, créativité et contemporanéité, curiosité et découverte, depuis 1989, année de sa création, le festival n’a eu de cesse de présenter le meilleur de la scène flamenca. Pas un seul grand artiste ou presque du Flamenco qui ne soit passé depuis 23 ans sur la scène prestigieuse du théâtre de Nîmes, de l’extraordinaire Terremoto à l’irréductible Israel Galvan, de la fougueuse bailaora Rocio Molina au regretté Moraito, guitariste exceptionnel qui avait honoré de sa présence charismatique le festival l’an passé, malheureusement décédé en août dernier, et à qui Flamenco Nîmes a dédié son édition 2012.
De ce programme 2012 très riche, quelques perles émergent d’emblée, comme ce Tomatito de légende, guitariste hors-pair qui, dans les pas du maestro Paco de Lucia, eut l’insigne honneur d’accompagner Camaron de la Isla dans ses dernières années, juste avant que l’étoile du chant flamenco ne disparaisse, statufié à tout jamais au firmament de l’art, laissant une brûlure indélébile dans le coeur des aficionados. Ce Tomatito là, toujours imaginatif, puissant et mélodique, qui produit un toque bien timbré et charpenté, maintient sa place unique dans l’univers guitaristique. On l’aime ou pas, mais à l’instar d’un Chicuelo ou d’un Moraito, justement, force est de reconnaître l’incroyable talent qui le caractérise, tout comme la fougue bien gitane qui l’anime.
Autre rendez-vous tout aussi recommandé, Inès Bacàn, l’immense cantaora de Lebrija, qui dans l’ombre de son frère Pedro a laissé grandir peu à peu son chant comme l’on fait mûrir son jardin pour parvenir à cette excellence inouïe, un grand Cante qu’elle porte à ses plus hauts sommets, habitée du souffle primordial du Flamenco. Une très grande dame qu’il convient de ne pas rater, et qui se produira le 21 janvier en version acoustique avec le non moins excellentissime Antonio Moya, guitariste de la tradition et musicien céleste.
Il y a, cette année, une curiosité, en tout cas une découverte pour beaucoup, ce flamenco râpeux venu tout droit de la non moins râpeuse terre d’Estrémadure, qu’il conviendra de venir goûter sans parcimonie, tant cette version-là du chant mérite amplement le détour. Injustement méconnu, le flamenco de ces Gitans du fin-fond de l’Espagne apporte une couleur rugueuse, âpre, à ce chant sorti tout droit du tréfonds de l’âme gitane, un retour à des sources un peu oubliées, en tout cas une pratique familiale, sans fard ni apprêts, qui porte haut la noblesse du Cante. « Raza Flamenca, Extremadura » à envisager comme une visite curieuse à d’autres racines, à une autre tradition. Une plongée quasi ethnographique dans un univers qui a su préserver sa part de spontanéité et d’authenticité gitane.
Pour l’authenticité, on ne manquera pas également deux grands cantaores que tout semble opposer, réunis le temps d’une soirée pour un double concert singulier (cf notre article) : José de la Tomasa et El Capullo de Jerez. Soit la confrontation d’un aristocrate du Cante à la fougue d’un déjanté de Jerez, deux cantaores dont les styles aux antipodes ont leurs aficionados, et leurs disciples. De même qu’il faut ne pas rater la grenadine La Moneta, une danseuse d’exception, nourrie au flamenco le plus puro. Une maestra qui nous plonge au coeur de la tradition, avec son baile puissant, instinctif mais très instruit, dépouillé de tout artifice.
Et puis, et puis, d’autres découvertes, comme cette Maria Toledo, pianiste, s’il vous plaît, et cantaora, un personnage atypique dont on commence à dire le plus grand bien dans le mundillo flamenco, qui en bonne aficionada de la Nina de los Peines, ralliera certainement tous les sceptiques. Il est vrai que, femme et pianiste dans cet univers macho où les musiciens sont forcément mâles, il aura fallu à Maria Toledo un sacré tempéramment et forcément un très grand talent pour s’imposer. Dans le même rayon découvertes, et pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, le brillant -peut-être un peu trop- Juan Ramon Caro fera chanter sa guitare très mélodique avec son dernier spectacle « Rosa de los vientos », tout en plasticité et harmonie. Un style très marqué par le jeu d’un Rafael Riquini ou d’un Vicente Amigo, que l’on est en droit de ne pas goûter.
Flamenco Nîmes a cette vertu de consacrer pas mal de son programme à des trucs plutôt surprenants, en tout cas peu communs. Cette édition ne déroge pas à la règle, et l’on apprécie cet appétit et cette curiosité. Tout comme le riche programme de conférences qui invite les meilleurs spécialistes du genre. Ainsi de Claude Worms qui donnera un hommage appuyé à Moraito, et tentera de nous faire pénétrer le jeu si singulier du maître por bulerias. Ou encore cette introduction à la performance flamenca emmenée par Corrine Savy, à travers l’exemple de l’art des Bacàn, famille incontournable d’un flamenco très scénique, collaboratif et performatif.
Et puis, les étoiles. Que dire de plus d’un Israel Galvàn très attendu, qu’ajouter à l’extrême virtuosité, l’immense créativité de sa danse incandescente ? Tout comme la fougue et la rage de la « bomba » Rocio Molina, bailaora fulgurante et artiste hors-normes ? Ces deux-là portent le Flamenco très haut et très loin, et surtout l’inscrivent dans une contemporanéité sans appel. A ce titre, il convient de graver leur nom dans la pierre dure du grand art. Avec eux, la danse flamenca entre en majesté. Et dans l’histoire, tout simplement.
Marc Roudier
FESTVAL FLAMENCO NÎMES / Du 9 au 21 janvier 2012 / Théâtre de Nîmes / www.theatredenimes.com
A LIRE, LA SUITE DE NOTRE DOSSIER :
– Israel Galvan / La Curva : http://wp.me/p1JWTy-Ur
– Rocio Molina / Vinatica : http://wp.me/p1JWTy-V7
– Jose de La Tomasa / El Capullo de Jerez : http://wp.me/p1JWTy-Tl
– Ines Bacan / Antonio Moya : http://wp.me/p1JWTy-Vd
– Maria Toledo / Nino Josele : http://wp.me/p1JWTy-10c
Les artistes du Festival : MORAITO : http://www.musiquealhambra.com/moraito_chico.htm ISRAEL GALVAN : http://www.israelgalvan.com/ ROCIO MOLINA : http://www.rociomolina.com/ INES BACAN : http://www.flamenco-culture.com/artiste.html?art_id=81 LA MONETA : http://www.fuensantalamoneta.com/ MARIA TOLEDO : http://www.mariatoledo.es/
Visuel : la bailaora Rocio Molina © Felix Vazquez