LAURENT PICHAUD EN INTROSPECTION AU CCN DE MONTPELLIER
DANSE : CCN de Montpellier / ]Domaines[ / Laurent Pichaud.
Le Centre Chorégraphique National de Montpellier propose des ]Domaines[, temps laissés aux chorégraphes pour réfléchir, agir ou construire de la danse, tout à leur guise. La programmation de cette année s’ouvre avec les questionnements du chorégraphe nîmois Laurent Pichaud autour de l’espace et de notre rapport à nous-même dans cet espace. Pour ce temps de réflexion appelé Nomade, le chorégraphe propose une dizaine d’activités déambulatoires plus ou moins originales, plus ou moins poétiques, où le public est amené à participer et à inspecter par lui-même son corps et celui des autres.
Partout des plans, affichés, posés ça et là, offerts en fin de parcours pour que chacun des vingt spect’acteurs de la soirée se repère, trouve sa route. De même toute une série de cadres de bois jalonnera les différentes salles comme pour donner -concrètement, matériellement- un cadre à cette soirée. Il s’agira bien de cela, trouver un cadre à notre soirée -à notre vie ?- afin de se retrouver soi-même. « Si je partais sans me retourner, je me perdrais bientôt de vue » disait Jean Tardieu. Laurent Pichaud nous demande de nous suivre nous-même peut-être pour mieux nous retrouver après.
De l’introspection personnelle, nous aurons aussi à voir l’introspection des autres spectateurs qui se donnent avec plus ou moins de plaisir et de joie à cette expérience. Le chorégraphe n’est pas en reste et le voici qui retrace son parcours et les questionnements qui l’habitent. Nous aurons aussi des bribes auditives ou photographiques de l’histoire du CCN, comment le lieu chorégraphique est né, comment celui-ci est habité par l’équipe actuelle et comment il évolue. Une des dernières images du spectacle sera celle de Laurent Pichaud armé d’un matériel archéologique et creusant dans le sol du CCN pour y trouver, en tout cas y chercher, la substantifique moelle du geste de danse.
A l’intérieur de ses expériences participatives, le danseur/chorégraphe nous offre de petits moments de danse, mais malheureusement trop peu nombreux et très cadrés, dans une soirée consacrée à l’expérimentation. Il est étonnant de voir des temps de chorégraphie très écrits quand toutes les autres propositions jouent sur le flottement. Dommage, Laurent Pichaud passe deux heures à rendre les spectateurs malléables et ne les utilise pas pour sa recherche du mouvement et de la danse…
Après un temps de repas autour d’une soupe de légume, de fromage et de vin rouge, nous re-voici dehors pour une dernière étape, mélangé avec les gens de la rue qui passent vite leur chemin ou s’attardent et jettent un œil aux expériences Pichaud. Un monsieur bien aviné restera avec nous en s’extasiant et en insultant les passants qui traversent l’espace artistique créé pour l’occasion entre deux trottoirs : « Déjà que c’est muet, si en plus tu nous casses les couilles ! ». Ce jour-là, c’est lui conclura la soirée avec cette sentence : « la fin tu la connaissais pas! ». La fin des questionnements sur l’espace et notre identité ne s’arrêta pas en même temps que le spectacle, elle continua pour chacun des spectateurs toute une bonne partie de la nuit et peut-être même plus encore.
Bruno Paternot
(pour plus d’info, lire l’interview d’Anne Fontanesi, programmatrice des ]domaines[ : http://www.mathildemonnier.com/?fr#pa_a7e9293a1481613c2a3df506a4165a04)