WOYZEK (JE N’ARRIVE PAS A PLEURER) : LA VIOLENCE POETIQUE DES DESTINS
Posted by infernolaredaction on 30 mars 2013 · Laissez un commentaire
« WOYZEK [Je n’arrive pas à pleurer] » / Texte Georg Büchner et Jean-Pierre Baro / Mes Jean-Pierre Baro / Théâtre Le Monfort / Jusqu’au 6 avril 2013 .
Jean-Pierre Baro livre une création magnétique explorant la chute d’un homme devenu étranger au monde.
Entrelaçant la tragédie de Georg Bûchner Woyzek et le texte de sa propre plume Je n’arrive pas à pleurer, Jean-Pierre Baro questionne avec une sensibilité aussi fine qu’esthétique la violence sociale. Le Woyzeck,de Büchner est un ancien soldat, sans emploi, exécuté à Leipzig en 1824 pour avoir poignardé son amante. Un être délié de la société à force de s’y être asservi, qui finit par la détruire à travers un acte de folie. Baro reprend cette figure d’homme dépossédé et la confronte à celle de son propre père, immigré sénégalais devenu ouvrier en France, prolétaire déraciné en proie au racisme français des années 1970.
De cette rencontre entre deux textes naît sur scène un seul « Woyzeck », universel, où l’histoire de l’opprimé allemand du XIXème siècle entre en résonnance avec celle de l’immigré sénégalais du siècle suivant, pour finalement laisser sentir une fraternité des souffrances. Sans pathos et sans jugement moral, se déploie sous nos yeux le destin de ce Woyzeck, homme travailleur, heureux d’être père, mais au quotidien d’esclave. Méprisé par ses supérieurs, trompé par sa femme, nié pour sa couleur et sa condition, il finit par s’exclure lui-même d’un environnement qui l’accable. Dans l’alcool, la répression des émotions, mais ce ne sera pas le pire.
C’est principalement au travers du récit de la femme de Woyzeck, intensément interprétée par Cécile Coustillac, que la mémoire du drame revit instantanément sous nos yeux. Là est la force de Jean-Pierre Baro : le récit d’une histoire sombre s’anime sur le plateau à travers des comédiens enflammés de colère, de fragilité ou de sensualité ; à travers une scénographie de couleurs et de lumières qui sublime l’obscène, et parfois même à travers un humour qui révèle l’humain dans tous ses paradoxes. Le souvenir des cruautés parvient aux spectateurs avec autant de force grâce à toute la poésie de la mise en scène.
Woyzeck [Je n’arrive pas à pleurer] parvient à questionner l’impensable, à regarder l’invisible, à accéder aux destins tragiques grâce aux flux d’émotions qui émanent en permanence du plateau. Une pièce violemment belle.
Aude Maireau
Photos DR / Montfort Théâtre
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