ANAMORPHOSIS : PHILIPPE QUESNE RETOUR DU JAPON AU T2G

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Philippe Quesne : Anamorphosis / dans le cadre de « Retour du Japon » / Théâtre de Gennevilliers / 22 – 26 avril 2013

De retour d’une résidence de création à Tokyo, Philippe Quesne nous convie à une expérience théâtrale fragile, légère et d’une grande douceur, comme il en a le secret. Décliné en japonais comme dans n’importe quelle autre langue, c’est le chant silencieux des lucioles qui est envoutant.

Le T2G se met à l’heure du Japon. Le compagnonnage initié il y a cinq ans déjà avec le Théâtre Komaba Agora de Tokyo et la compagnie Seinendan, dirigés par Oriza Hirata, offre l’occasion rare de découvrir des artistes de la scène nipponne, tels les metteurs en scène Toshiki Okada et Junnosuke Tada, le cinéaste Shinji Aoyama, le compositeur et artiste visuel Ryoji Ikeda. Les nouvelles créations de Christophe Fiat, Films de monstres japonais (daikaiju eiga) et Philippe Quesne, Anamorphosis, fruits des résidences au pays du soleil levant, participent à une même dynamique d’échanges.

Le déplacement du sens et du regard est au cœur de la pièce de Philippe Quesne. C’était déjà le cas avec L’effet de Serge, créé en 2007. Le garage où le protagoniste expérimentait ses créations, trucages low-tech et autres trouvailles spectaculaires, se transforme maintenant en studio de musique, bientôt investi par quatre jeunes comédiennes de la compagnie Seinendan. Le plateau reste pourtant un laboratoire, lieu privilégié de recherche et d’essais où l’imagination bricoleuse ou créatrice se met en scène. Il s’agit désormais d’écrire des chansons rock et tous les moyens sont bons pour trouver l’inspiration : la forêt et ses bruits nocturnes vont gagner petit à petit le studio. Derrière une sonorité vaguement familière, l’intitulé du groupe, qui donne également le titre de la pièce, en livre sa vérité première : l’anamorphose comme déformation réversible d’une image.

Entre familier et exotique, entre proche et lointain, entre merveilleux et quotidien prosaïque, Philippe Quesne multiplie les filtres de lecture et trouve toujours le juste milieu. La mise en abime est vertigineuse, le résultat pourrait vite virer à la démonstration méta-textuelle désincarnée, l’art du metteur en scène est de savoir tisser une atmosphère ouatée, qui impose ses propres rythmes, légèrement en ralenti et dissout les tensions et résistances des spectateurs.

Dans un premier temps, la batterie qui occupe un coin du plateau s’anime subitement, semble littéralement s’enflammer : brouillard et lumières acides y trouvent leur foyer alors que les accords joyeusement énervées d’une chanson rock irriguent la salle. Pourtant, la scène demeure vide de toute présence humaine, pure installation plastique fascinante par son pouvoir d’attiser et d’accueillir fantasmes et projections des spectateurs. L’énergie retombe doucement, mais le ton est donné, la pièce se joue des glissements ludiques qui prennent à contre-pied le sens commun et ouvrent un espace poétique essentiel. Nous nous surprenons à vouloir croire, quand l’une des comédiennes fait mine d’éteindre le feu de camp factice tout en appuyant sur un interrupteur, et un bref frisson nous traverse quand elles jouent à se faire peur au cœur de la nuit dans la foret imaginaire.

Les sous-titres employés, pour nous faire partager les échanges furtifs ou enthousiastes entre les rockeuses en herbe, se prêtent à un moment donné au développent d’un mini traité d’entomologie : il y va de bioluminescence et de drames dans les couples de Lampyris Noctiluca. Dénichés d’une caresse au pied de la batterie ou dans les plis du rideau de scène, ces vers luisants, petits gadgets, font éclater l’espace de leur lumière froide et pulsatile, ils le rendent poreux et perméable à tout changement d’échelle ou de perspective. Leur ballet est un véritable moment de grâce.

Smaranda Olcèse

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Visuels copyright Philippe Quesne / Vivarium Studio.

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