BIENNALE DE VENISE : BERLINDE DE BRUYCKERE VOIT LES CHOSES EN GRAND… ET DANS LE NOIR

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55e BIENNALE DE VENISE : BERLINDE DE BRUYCKERE / Pavillon de Belgique, Giardini / du 1er juin au 24 novembre 2013 / Venise / Venezia.

Berlinde de Bruyckere  représente donc son pays à la Biennale, et  elle a vu les choses en grand : soit une immense wax-sculpture qui occupe la totalité du pavillon belge, plongé dans le noir -ou presque- pour l’occasion…

Une très belle pièce, tout à fait dans la ligne des oeuvres en cire de l’artiste, c’est à dire métaphoriquement  anatomique, blessée, pansée.. Une sorte d’excroissance monstrueuse qui évoque ici un mix de végétal malsain et de membres tentaculaires difformes… Bref, du malaise, du glauque, une certaine idée de la beauté morbide…

A Venise, l’oeuvre est très forte, comme également le sont celles qu’elle a placées à Avignon, où Berlinde de Bruyckere est l’une des Papesses de la Collection Lambert qui a inauguré samedi dernier, aux côtés de kiki Smith et de la délicieuse Louise Bourgeois… Une expo un peu bling-bling, mais qui a le mérite de mettre à jour les télescopages qui ne manquent pas d’opérer entre au moins les oeuvres de quatre des cinq « Papesses » -pour Claudel, c’est plus difficile : retape, opportunisme géographique…  ou un truc qui nous a échappé ?- dont la Berlinde, très cousine de notre Louise estimée, par exemple ce rapprochement que l’on fera entre la Scieuse de Bourgeois, exposée salle 5 (ou 6) de la Collection,  et la chieuse de De Bruyckere avec son cabinet anatomique du dernier étage, tout droit sorti de la collection particulière d’un Landru belge, un truc malin qui cultive sa belgitude, soit un Magritte mâtiné d’un Marcel Duchamp pour le coup bruxellisé…

En tout cas, chez les Papesses,  elle montre de superbes pièces post-anatomiques, comme l’on dirait post-atomiques, des sculptures certes très belles, qui mettent mal à l’aise -mais c’est exactement l’effet recherché, même si parfois ça prend une tournure un peu trop esthétisante- … Nous vous recommandons particulièrement la sculpture de femme aux cheveux saignants, très puissante, située dans la salle du haut de la Collection…

Pour en revenir à la pièce monstrueuse de Venise, sachez tout de même que vous pouvez vous en offrir une même, version réduite, pour à peu près 250 000 euros à Art Basel, qui ouvre opportunément juste après l’opening de la Biennale, avec une chiée d’artistes présents à la Biennale, dont notre Berlinde… De quoi être inspiré pour faire ses emplettes, quoi.

« Ses sculptures explorent la vie et la mort — la mort dans la vie, la vie dans la mort, la vie avant la vie, la mort avant la mort —, de la manière la plus intime et la plus inquiétante. Ils apportent un éclairage, mais l’éclairage est sombre comme elle est profonde » dit de son travail Cotzee, qui en connaît un bout en la matière…

De Bruyckere est née en 1964 à Gand, où elle vit et travaille encore. Ses parents bouchers et l’ambiance de viande morte ont nettement influé sur son travail, tout comme son éducation religieuse stricte l’aura marquée profondément. De Bruyckere travaille toujours dans sa ville natale, et l’atmosphère chargée de son atelier, un ancien couvent, doit certainement l’inspirer au plus haut point…

En effet, la Passion du Christ est centrale dans son oeuvre de souffrance et de chairs suppliciées : les Piètas, les Crucifixtions et un tas d’autres autres joyeusetés jalonnent une oeuvre profonde, empreinte d’une interrogation quasi-mystique autour de la mort et la putréfaction des chairs…. Une thématique qui semble intemporelle, en tout cas extrêmement classique pour ne pas dire convenue, si ce n’était un rapport à l’oeuvre tout à fait singulier et très contemporain.

Dire que son travail est morbide serait d’ailleurs un contresens. Certes, De Bruyckere n’est pas la drôlesse que l’on invite à toutes les teufs de Gand ou de Flandres… Elle est flamande, que diable ! Et à ce titre toute confite d’histoire, d’art et de religion (Et d’ailleurs pour l’avoir aperçue à Venise lors d’une soirée d’ouverture, elle n’est pas effectivement très à l’aise dans les mondanités ni même les réjouissances) . Pour autant, l’artiste est à sa manière une taxinomiste vivifiante et vibrionnante, curieuse, et plutôt passionnée par un tas de trucs bizarres… Par exemple, elle est une grande collectionneuse de curiosités dignes d’un cabinet du même nom, comme ces photos et gravures de chevaux morts, pris dans les villes flamandes ravagées au cours de la Grande Guerre, qu’elle sait parfaitement réutiliser dans son oeuvre de cire figée…

De Bruyckere aime beaucoup la cire, celle du musée Grévin et des salles d’anatomie : elle y adjoint pigments et objets, cheveux, poils et fragments de peaux animales… L’hyperéalisme de sa manière et la beauté formelle de ses sculptures confèrent à son oeuvre une aura toute particulière, parfaitement identifiable dans le paysage artistique contemporain.

De Bruyckere, à l’instar de son compatriote Jan Fabre et de son glorieux ancêtre Rembrandt, est une artiste typiquement flamande, habitée en permanence par l’imminence de la mort et la subtile réalité de la décomposition et de la pourriture, incontournable et imparable. Une réflexion réjouissante, somme toute, à l’heure où tout ceci est purement évacué, définitivement noyé dans les canaux du monstre numérique planétaire, qui dévore tout, sans complexe ni vergogne ni repentir, comme chacun le sait.

Marc Roudier

Berlinde De Bruyckere (1964, Gand, Flandres) vit et travaille à Gand. En 2000, son travail avec cinq chevaux morts, » In Flanders Fields », un commentaire sur la Première Guerre mondiale, a été exposé au musée d’Ypres. En 2003, elle explose à la Biennale de Venise, dans le Pavillon italien. Depuis, nombreuses expositions individuelles dont : Hauser & Wirth, Zurich (2004) ; La Maison Rouge, Fondation Antoine de Galbert, Paris (2005) ; De Pont Fondation pour l’art contemporain, Tilburg (2005). En 2006, 4e Biennale de Berlin pour l’art contemporain et un group-show à la Kunsthalle de Düsseldorf. Expositions personnelles récentes : «Le Mystère du Corps: Berlinde De Bruyckere en dialogue avec Lucas Cranach et Pier Paolo Pasonli», Kunstmuseum de Berne, «Berlinde De Bruyckere, Hauser & Wirth Zurich (2010), «Into One-Pour un autre PPP , Hauser & Wirth New York.n ART Foundation for Contemporary Art de Montréal (2011), De Pont Museum of Contemporary Art de Tilburg au Pays-Bas (2012), Australian Centre for Contemporary Art, Melbourne (2012),

Berlinde de Bruyckere est représentée par Hauser & Wirth

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Berlinde de Bruyckere : 1 : L’oeuvre du pavillon belge de la Biennale / Toutes oeuvres copyright Berlinde de Bruyckere 2009, 2010, 2011, 2012, 2013 / Galerie Hauser & Wirth.

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