GRATTE-CIEL : HUBERT COLAS AU FESTIVAL DE MARSEILLE

gratte ciel

FESTIVAL DE MARSEILLE 2013 : Gratte-ciel, mis en scène Hubert Colas – à la Villa Méditerranée à Marseille, du 4 au 7 juillet 2013, dans le cadre du Festival de Marseille – danse et arts multiples.

Gratte-ciel est une pièce qui voit dialoguer deux approches différentes du théâtre contemporain. Celle du théâtre d’expérience, à connotation documentaire, tel que l’écrit Sonia Chiambretto, auteur originaire du sud de la France, adepte des réseaux sociaux et de l’écriture du réel. Puis celle d’un théâtre au lyrisme compassé et sans ambiguïté, celui d’Hubert Colas, directeur artistique de festival ActOral à Marseille. Pourtant, ces deux là, ont l’habitude de travailler ensemble, se rejoindre sur la nécessité de contourner le superflu, d’ôter de l’expression toutes les scories psychologiques, de tailler dans le vif du verbe afin que de la parole surgisse la vérité nue.

Pour cette nouvelle pièce, Sonia Chiambretto a souhaité récolter, à travers des entretiens skype, le témoignage de jeunes algériens vivant en Algérie ou bien exilés loin de leur terre d’origine. Se noue le récit patchwork d’un pays aux prises avec son histoire, ses démons, ses faiblesses et sa vitalité. Plus qu’une narration classique, cette tragédie fait la part belle à la sensation à travers une trame quelque peu décousue d’où émergent des fulgurances. Une écriture ciselée qu’Hubert Colas a su appréhender avec tact et doigté.

La scène s’ouvre sur une scénographie envoutante et d’une beauté diaphane. Alger sous la grisaille anthracite apparaît sur un écran géant placé en fond de scène et se reflète sur un praticable incliné et posé au sol. Un environnement aquatique, pesant et calme s’impose. Le silence se fait. Six acteurs nous parlent de la Guerre d’indépendance, des meurtres consécutifs à la montée des islamistes dans le pays, du souci des femmes qui ne veulent pas se voiler sous les menaces, de familles laminées et de jeunes désorientés. La ville se transforme aussi, les gens restent.

Tout en gardant la manière qui lui est si particulière, Hubert Colas a réussit dans cette pièce à animer les personnages de micro-variations qui, si elles perturbent cette monotonie du ton que l’on repère chez lui depuis longtemps, élargissent sa palette au service d’une expression juste. Les personnages nous parlent de front, comme toujours, mais la voix s’infléchie parfois au détour d’une phrase, donnant plus d’épaisseur aux relations sur le plateau. L’émotion affleure, elle ne s’installe pas.

Difficile de suivre ce récit du début à la fin. Difficile de tout comprendre, de mettre bout à bout les différentes histoires, expériences, anecdotes, tant ces dernières ne s’accordent entre elles que pour donner un aperçu sensible et forcément partiel d’une situation donnée. Car cette pièce, si elle exploite les conditions d’une réalité historique, celle de l’Algérie contemporaine, n’est pas documentaire car elle ne renseigne pas. Plutôt fonctionne-t-elle par aperçu, par recomposition élective et par association.

En résulte des sensations, une impression générale, mais sa raison narrative nous échappe. On peut en ressortir quelque peu désorienté et perplexe. Car ce n’est pas une vérité historique qui nous est proposée, facilement intelligible et intégrable. Mais bien une vérité de la parole, celle confiée par des jeunes à une auteure française, qui nous disent leur perception du passé et de leur avenir.

Quentin Guisgand

http://www.diphtong.com

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