KARL VAN WELDEN, SATURN II : DES IMAGES POUR RÊVER

02 - SATURN II - KARL VAN WELDN - MARSEILLE (FR) © 2013 United Planets

Karl van Welden : Saturn II / Marseille / 12-15 septembre 2013.

Avec Saturn II, présenté sur la tour du roi René, à l’entrée du Vieux port de Marseille du 12 au 15 septembre, Karl van Welden offre au spectateur une vue sur sa ville qui oscille entre intimité, voyeurisme et contemplation romantique.

Huit cabines sont disposées en étoile sur le toit de la tour. Dans chacune d’elle est disposé un télescope pour voir et un casque pour entendre. Voir : la ville au lointain dont la présence réelle se dérobe sous un voile mystérieux et artificiel. Entendre : un vrombissement délicat qui place le spectateur dans un climat d’étrangeté et d’abandon.

A faire focus sur le réel, sur cet amas de ville, ce paysage confus et pourtant sublime, Karl Van Welden lui donne une plasticité émouvante. L’image grossie par le télescope aplanit les reliefs ainsi que les différents plans de la ville. Elle la fait flotter dans un cadre rond et noir qui la coupe de sa vivacité quotidienne. La musique diffusée sur nos oreilles achève cet enlèvement du temps. On se sent comme pris dans un autre univers dont les contours nous sont pourtant familiers. Les repères se brouillent, le vertige n’est jamais loin.

Une expérience en apesanteur.
Dans chacun de ces cadres, à chaque fois dirigés vers un détail de notre environnement urbain, la vie est absente, ou du moins laisse-t-elle à désirer. Si parfois une présence humaine y est bien assurée, elle reste énigmatique. On ne sait jamais s’il s’agit de fantômes ou de personnes réelles tant cette présence se fond dans la plasticité de l’image à laquelle elle appartient. Dans les scènes que l’on voit, une grande mélancolie s’évapore sans que l’on ne puisse la saisir. Nous voyons la solitude d’êtres qui ne sont nullement désemparés. La ville est un champ clôt où l’homme n’est plus qu’une froide silhouette dénouée de tout sentiment.

Au loin, comme extrait du paysage que l’on contemple, nous sommes confrontés à notre propre affectation. Nous sommes touchés et pourtant nous ne savons pas très bien d’où la flèche provient. Notre regard s’emporte au lointain et se détourne soudain vers nous, comme s’il nous scrutait. Cette distance permet qu’à partir de situations abstraites et finalement assez simples, chacun prenne la liberté de se raconter ses propres histoires. On cherche forcément, l’œil collé au télescope, à comprendre la motivation intérieure de ces êtres hors du commun.

Une distance à rebours.
Comme dans la peinture romantique de Caspar David Friedrich, nous nous plongeons dans la contemplation sans sens de ces paysages si peu naturels. A rebours donc de toute préoccupation naturaliste, la vision qui nous est offerte est profondément artificielle. Elle interroge le voyeur plutôt que l’objet regardé. Elle nous met dans une situation de proximité à nous-mêmes qu’il est bien rare que l’on rencontre et qui, pour cela même, en devient quelque peu dérangeante.

Alors que nous sommes bien installés dans ces petites cabines qui nous protègent du vent et du soleil, cette installation a le brio de nous déstabiliser là où l’on ne s’y attendait pas. De là provient sans doute l’impression de malaise vague et de tristesse infime qui nous prend alors que nous revenons vers l’agitation normale. Une expérience esthétique proprement exceptionnelle donc, géniale et magnifique.

Quentin GUISGAND

Saturn II était présenté à Marseille du 12 au 15 septembre dans le cadre du Temps fort#6 GR2013. http://www.verenigdeplaneten.be/en/saturn-ii

27 mai saturne 7[1]

Visuels copyright Karl Van Welden

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