RAIMUND HOGHE, « QUARTET », MONTPELLIER DANSE

Quartet_08

QUARTET, RAIMUND HOGHE, Montpellier Danse Festival / les 29 et 30 juin 2015.

UNE INTRODUCTION

Quartet est un morceau de bravoure qui dure environ 2 heures 40 minutes, sans entracte. Une épopée musicale et chorégraphique dans le temps et à travers les cultures où Raimund Hoghe passe sans complexes de Schubert à Dalida, des classiques presque éculés aux chansons de variétés populaires, des chants médiévaux aux tubes de chrooneurs. La pièce se décline en autant de scènes que de morceaux musicaux. Déclaration d’amour à ses interprètes y compris musicaux, Raimund papillonne ou joue les meneur de revue, s’allonge, offre son bras ou sa flamme. Quartet est un rendez-vous entre sept complices, une cour de récréation. Comme dans une fête dansante, il y a un, deux, trois ou tous les danseurs sur la piste. Tous vaquent, divaguent, parfois solitaire, parfois en duo, trio, quatuor ou tous ensemble. Parfois, la connivence des interprètes est tellement tangible que nous avons l’impression d’être des intrus dans une soirée privée.

Ouvrir la pièce avec les notes poignantes de « la jeune fille et la mort » c’est assez osé ! … Quand les premières notes de violons retentissent, on pense « Non, il ne va pas oser… Et bien si, il ose! » En toute simplicité. C’est devenu un trait caractéristique, une signature. Avec Raimund Hoghe, il faut se laisser aller au premier degré de l’écoute musicale. Oublier les utilisations abusives et mercantiles de morceaux trop fameux, abandonner les résistances intellectuelles, sans compter que dans le lot, on découvre toujours de nouvelles perles. De son extrême sensibilité à la musique, il tire un outil de communication et de compréhension entre lui, les danseurs et l’audience. Alors que le second mouvement du Quartet nous étreint, la frêle silhouette noire arpente la scène, semant avec nonchalance de petites balles blanches à tout vent. Elles rebondissent et s’éparpillent, semant la scène d’embûches et de chutes possibles comme une métaphore de la vie. Le décor est posé, Hoghe sort. Entre Takashi Ueno, ses mains frémissent, volent, virevoltent… Vibrant, il est traversé par là musique. Marion Balester entre à son tour, distinguée, dessinant les gestes d’une héroïne romanesque et cérébrale. Au tour d’Emmanuel Eggermont d’arriver en scène élaborant une gestuelle introvertie de pénitent. Chacun vit sa musique et chacun est évident dans son interprétation. Ornella Balestra arrive à son tour, glamour et attentionnée. Elle s’attèle à ramasser les balles et les met dans son giron. Au fond la silhouette de Yuta Ishikawa passe et repasse, les danseurs sortent. Il y a trop de balles, elle débordent et tombent quand Ornella se penche. Elle se résigne à abandonner cette tâche impossible. 10 minutes 33. Fin du Quartet de Schubert. On zappe sur la voix androgyne de Jimmy Scott avec « Broadway ».

Ildiko Dao

Extrait de l’entretien réalisé en mai pour Inferno six-monthly N°5*
Inferno : Pouvez-vous nous parler de « Quartet » ? Comment avez-vous conçu et de quoi parle cette pièce ?

Raimund Hoghe : Quartet rassemble mes danseurs favoris ainsi qu’un nouveau venu, Yuta Ishikawa, Luca Giacomo Schulte et moi –même. Les thèmes sont toujours les mêmes : la vie, l’amour, la mort, la beauté. Je les aborde toujours à travers la musique qui est pour moi le médium le plus puissant. Je mets de la musique et je regarde comment ils (les danseurs) réagissent, ou ne réagissent pas. Et s’ils ne réagissent pas il faut que je trouve une autre musique. La pièce s’est construite comme cela, avec le désir de travailler avec ces danseurs que je connais déjà bien, ce qui nous permet d’aller plus loin.

Inferno : Ces danseurs viennent d’horizons très différents. Y avait-il une intention d’exploiter leurs différences ?

RH : Je ne crois pas. Je ne les ai pas choisis pas pour leurs différences mais pour leurs qualités. Ils ont tous entre 30 et 40 ans ou plus. Aucun ne cherche à ressembler à quelqu’un d’autre … Ils entrent dans mon univers et amènent leurs propres qualités. La façon dont ils ressentent et traduisent la musique en mouvement, me permet de les comprendre, eux. Ils réagissent très différemment et parfois de manière tout à fait inattendue.

Je choisis des chansons dont le texte est significatif mais aussi en harmonie avec la musique. Il est utile de comprendre une langue mais si le rapport est juste entre la musique et le texte, nous pouvons nous connecter sans comprendre les paroles. Même si je ne parle pas bien le français, l’espagnol ou ne comprend pas le japonais, à travers la musique je comprends les danseurs. On ne peut pas dire à quelqu’un « Voilà comment tu devrais réagir ou ressentir avec cette musique. Ou encore, « cette musique devrait te plaire » …Cela ne peut venir que de la personne. Ceux avec qui je travaille sont très doués pour exprimer la musique, chacun à leur manière propre. C’est cela que montre Quartet, la qualité de chacun d’entre eux, leur individualité. Et bien sûr celle de la musique, qui comme les danseurs est très diversifiée. La pièce prend corps comme cela de fil en aiguille. Nous allons naturellement d’un point à un autre et une continuité se fait à la fois à l’intérieur de la pièce et entre les pièces.

Propos recueillis par Ildiko Dao

* En kiosque depuis le 18 juin, en librairies à partir du 10 juillet.

QUARTET : Conception, chorégraphie et scénographie : Raimund Hoghe
. Collaboration artistique : Luca Giacomo Schulte

Avec : Ornella Balestra, Marion Ballester, Emmanuel Eggermont, Takashi Ueno, Raimund Hoghe, Luca Giacomo Schulte et Yuta Ishikawa – Lumière : Raimund Hoghe, N. N.
Son : Pascal Gehrke

Comments
One Response to “RAIMUND HOGHE, « QUARTET », MONTPELLIER DANSE”
  1. IDLS dit :

    Rectificatif : la programmation de Montpellier compte 3 heures de spectacle dont une vingtaine de minutes d’entracte !! . La pièce seule fait environ 2h36 minutes.

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