FRANCOIS STEMMER, « SEVENTEEN »

seventeen@fran--oisStemmer

Seventeen de François Stemmer, les 17 et 18 mai, MPAA Saint-Germain, Paris.

François Stemmer centre son projet scénique sur les expérimentations, les singularités et les métamorphoses de l’adolescence. Dans un registre moins transgressif que la photographie de Larry Clark, sa première création, Seventeen, jette sur la jeunesse un regard franc et incrédule, sans nostalgie, ni édulcorant. Avec humour, poésie et simplicité, François Stemmer livre une pièce complice sur l’adolescence, où la sobriété d’une mise en scène très visuelle sert l’expression des interprètes, entre enthousiasme débordant et désinvolture minimaliste.

Plongé dans la pénombre, le groupe de onze jeunes interprètes apparaît sur scène longtemps immobile, dans un espace-temps aussi trouble et incertain que l’adolescence elle-même. D’abord avachis, ils font ensuite face au public avec ce même air désabusé, voire apathique, qu’on leur reproche à longueur de journée, en complet décalage avec l’air enjoué et enfantin de L’Apprenti sorcier de Paul Dukas qui retentit. En totale synchronisation, ils en battent la mesure avec leur pied, puis forcent le pas, l’écrasent même, jusqu’à exploser dans une scène anarchique où chacun extériorise sa colère, sa violence, sa folie. En un crescendo bien amené, la forme traduit l’instabilité des affects juvéniles, passant de l’indolence à la révolte en un battement de pied.

La dramaturgie se fait parfois aussi disruptive que les états d’âmes qu’elle décrit. Le solo qui suit installe un rythme extrêmement lent : un jeune homme avance à pas de fourmi, se déleste de son costume et affronte le public, comme seul face à son miroir. Il s’ausculte, éprouve les contours de son corps, se lance des défis, surjoue sa virilité naissante avant d’enchaîner les pas contrôlés sur un morceau de feel-good music. Vulnérable et héroïque, maladroit et prodigieux, il suscite la sympathie du public autant qu’il l’introduit aux ambivalences de l’adolescence. Le témoignage de Nina, projeté ensuite en fond de scène, en installe plus concrètement le motif, décrivant les errances, les ambiguïtés et les contradictions de l’adolescence. Seventeen traduit en effet le dilemme affectif qui s’y pose, lorsque le plaisir pris à l’insouciance s’allie aux craintes, aux incertitudes et aux incompréhensions.

Attentif aux singularités de chacun, François Stemmer organise la dramaturgie à partir d’une galerie de portraits urbains, déroulée en solos ou en duos. Un breakdancer impressionne avec une chorégraphie acrobatique, une skateuse chute de ses rollers avec superbe au rythme emballé du cajon, deux autres, perplexes face à une citation de Hume, se partagent un joint pour méditer dessus. Durant les intermèdes on conte Rimbaud avec fragilité, on entonne Bowie avec douceur, deux figures, tutélaires de la pièce, ici figées dans leur éternelle adolescence.

Le récit de deux réfugiés libyens apporte un contrepoint culturel salutaire. Ancré dans une actualité vive, le récit de leur périple et de leurs difficultés quotidiennes relativise les problèmes des premiers. L’authenticité de leur intervention renforce la sincérité générale de la pièce, sans nul doute son point fort. Pour certains, jeunes acteurs ou danseurs, pour d’autres, complets amateurs, les adolescents sont ici interprètes d’eux-mêmes, ils performent leur âge plus qu’ils n’en jouent des scénarios inventés.

A l’inquiétude des débuts s’oppose l’hédonisme du tableau final, une bataille d’eau chaotique et régressive, mise en abîme de cet âge critique que Seventeen parvient finalement à rendre désirable.

Florian Gaité

Visuel : © François Stemmer

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