SPRING FESTIVAL UTRECHT : « CONCRETE », MAUD LE PLADEC

Utrecht, envoyé spécial.
CONCRETE (création), Maud Le Pladec / Spring festival Utrecht.

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DEMOCRACY, mais en grand…

Pour ce quintette chorégraphique et nonette musical, la chorégraphe marque un grand coup artistique. Maud Le Pladec s’est fait particulièrement remarquer en 2013 avec DEMOCRACY, une pièce où, déjà, la musique live interprétée par l’Ensemble TaCTuS ouvrait une nouvelle voie à ce type de projet – ambitieux – dans le monde de la danse contemporaine.

Dans DEMOCRACY, on a un peu reproché à Maud Le Pladec la modestie de son vocabulaire chorégraphique, ne voyant pas en fait que l’intérêt de son travail portait sur son rapport à la musique sur scène et, une fois encore, pour CONCRETE, à la musique contemporaine.

Pour cette nouvelle pièce, elle n’a pas lésiné en collaborant avec l’Ensemble Ictus, qui interprète en direct avec brio et engagement physique To Bang On A Can #3, sur l’œuvre musicale de Michäel Gordon. L’entrée dans la salle est déjà en soi un spectacle puisqu’une lumière stroboscopique aveugle le spectateur qui cherche sa place dans une pénombre étudiée.

Dès le début, les cartes sont distribuées. A Ictus la musique, aux danseurs, le mouvement et la voix. Et ils vont s’en servir. Dans ce rapport de force qui marque souvent ce genre de spectacle où la musique se joue en direct sur scène, l’enjeu est que la danse résiste à la force de la musique…

Grâce à cette distribution de rôles où la voix du danseur vient contre balancer la force des instruments, le jeu est à part égale… et c’est l’intuition juste de la chorégraphe qui, en priant Pete Harden de composer sur la musique de Michaël Gordon une partition vocale pour les danseurs, vient complètement changer le rapport de force danse-musique. Belle trouvaille, donc.

Maud Le Pladec va se transformer en une « géographe ». Elle va arranger une tectonique des plaques entre la musique et la danse en cherchant avant tout l’intersection, la vibration des corps et les pulsions rythmiques des instrumentistes sur scène au point que le procédé déjà à l’œuvre dans DEMOCRACY d’une scène sur rail composée de podiums mobiles va évoluer dans cette nouvelle création mais de façon imperceptible, comme par magie. C’est cet équilibre qui fonde la base du travail de la chorégraphe et qui la rend passionnante.

La danse est principalement aérienne. Peu d’ensemble. Pas de groupe. Les corps sont souvent pris de convulsions comme pour expectorer un trop plein d’énergie communiquée par cette musique minimaliste. Peu de sol, même si le mouvement amène les danseurs à s’y jeter plus comme une longue ligne qui passe par le sol qu’une volonté de s’y plonger… On trouve aussi ces longues traversées latérales qui, tel une sorte de sablier géant, égraine le temps et scande le rythme, donnant cette sensation de course, d’affolement comme s’il fallait être partout, en même temps, tout en sachant que c’est impossible.

Tout ceci qui provoque une déflagration punk incroyable où l’on voit tous les danseurs – et il faut les saluer – s’engager sans réserve. C’est à peine si on reconnaît la naguère sage et mesurée Corinne Garcia ; en tous les cas cela donne l’occasion de repérer Régis Badel, subjuguant, avec un physique à la Prince, doté de cette même folie où son solo, en apothéose du spectacle nous laisse tout à fait stupéfait de justesse et de maitrise. Chapeau.

On doit dire un mot des lumières de Sylvie Mélis tout à fait essentielles à cette alchimie. Sans cesse collées au propos, sans redite non plus, elles se fondent à l’ensemble. La magie opère.

On l’aura donc compris, ce qui est passionnant dans le travail de Maud Le Pladec, c’est son rapport à la musique et l’usage qu’elle en fait pour sa danse. Elle n’exploite pas un vocabulaire fourni qu’elle possède sans aucun doute, mais ce qui la fascine c’est l’intersection entre la vibration des corps et les instruments qu’elle contrôle avec maitrise sans se laisse griser, presque avec sagesse. Il ressort de ce travail la même sensation dans l’équilibre entre la musique de John Cage et les propositions de Merce Cunningham, c’est dire.

Ce n’est pas la performance de la danse qui intéresse Maud Le Pladec mais c’est la présence de ces corps confrontés à la musique. Elle arrive d’ailleurs à peser et à jouer une partition double où, plus encore que dans DEMOCRACY, elle élargie sa palette et dessine un véritable projet de musique et de danse.

Elle sera au Festival June Event du CDC de Paris le 14 juin 2016… à ne pas rater sous aucun prétexte.

E. Spaé
à Utrecht

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