TRANSAMERIQUES 2017 : FREDERICK GRAVEL, ASSAGI MAIS LUCIDE

Montréal, envoyé spécial.
FESTIVAL TRANSAMERIQUES 2017 – « SOME HOPE FOR THE BASTARDS » – Frédérick Gravel

Gravel : assagi mais lucide.
Tout va de travers, dès le début du spectacle et ce n’est pas la première fois que le chorégraphe Québécois le constate, déjà en 2010 avec son spectacle coup de poing « tout se pète la gueule, chérie », il en faisait le constat. Cette pièce annonçait ses topics comme sa vision du monde. Pour Some hope for the bastards le plateau est nu, comme désossé. On voit tout, les coulisses et au fond un praticable sur lequel sont posés des instruments de musique, un micro… il y aura de la musique live comme toujours, sauf que là ce n’était pas prévu et Frédérick Gravel lui-même le dira au début du spectacle, s’offrant comme un véritable totem à la fureur des spectateurs de la salle du Monument National de Montréal qui n’en feront rien…

Scène nue donc, des chaises, autant que de danseurs qui vont et viennent dans la salle pendant que les spectateurs s’installent et font société. Certains danseurs, généreux, offrent des bières dans l’assistance, d’autres embrassent une connaissance. C’est la fête, c’est la grande première du spectacle, il y a foule. Chez les interprètes, tout le monde semble atteint d’une déviance corporelle qui les fait pencher, avancer comme s’ils étaient épris de boisson. Le monde ne tourne pas rond, pliés, recroquevillés et le chorégraphe qui ne nous a jamais épargné ses états d’âmes fait une brève allocution pour annoncer que d’une part le début qu’on vient de voir n’est pas le bon, qu’on va assister au vrai dans quelques instants et que ce sera à nous de choisir celui qu’on préfère, que nous avons une lourde responsabilité en étant « le public » de son spectacle. D’ailleurs, il signale qu’à Dusseldroff où ils ont fait une « avant première » le public a adoré… Jamais mieux servi que par soi même… Bien sûr, il sent inexorablement qu’il participe par sa consommation, son mode de vie à un certain ordre du monde, qu’il voudrait de toutes ses forces le changer mais sans jamais y arriver, malgré sa volonté, malgré ses spectacles, malgré tout…

Et c’est le nœud de cette nouvelle pièce de Gravel. Il y a en même temps – comme l’on dit en France en ce moment – ce constat et cette révolte qui se voit sur scène et puis cette forme de renoncement, d’abandon, faute d’unité autour d’une vision commune et partagée.

L’autre dominante de ce spectacle c’est la musique et la composition de Philippe Brault avec l’aimable participation à la guitare et à la voix de Fred Gravel lui-même… Cette musique rock et ces balades lentes sont presque toujours au dessus de l’action ce qui laisse à penser que l’imminence d’une performance dans les prochaines francofolies n’est pas pour rien dans la tonalité de l’ensemble, offrant sans doute une continuité à cette nouvelle pièce.

Des moments de pure beauté s’offrent à nous comme le début sur La Passion selon St Jean de Bach qui est le second début possible du spectacle. Le travail sur les lumières et ces auto-cad qu’on aperçoit dans les spectacles musicaux et qui fait doucement son apparition dans les spectacles de théâtre et de danse permet des effets cathédrales avec des rayons de lumières christiques comme sur les tableaux du quattrocento. A un moment la place des danseurs face au public et la lumière ne sont pas sans rappeler le clip Thriller de Michael Jackson avec cette armada de morts vivants… Une certaine langueur s’abat sur la scène, un long moment de solitude, une sorte de calme interminable, une contemplation inhabituelle pour le chorégraphe habitué à une hystérie communicative. Il va sans dire que la distribution est parfaite et que cette sagesse soudaine s’est aussi emparée d’eux qui, avec force mouvements du bassin ou de contraction en avant du plexus solaire, semblent indiquer qu’ils vont sortir d’eux mêmes, de leurs frasques d’ados pour nous accompagner dans un monde décidément difficile à changer d’autant plus que la première se déroulait le jour où le Président des Etats Unis annonçait vouloir sortir de l’accord Climat dit de Paris… un acte qui donnera du fil à retordre au sage Gravel, gageons qu’il nous en parlera la prochaine fois…

Emmanuel Serafini

Photo Stéphane Najman

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