TRANSAMERIQUES 2017 : (LA) HORDE, « TO DA BONE », HETERACHIQUE, QUOI QUE !


Montréal, envoyé spécial
FESTIVAL TRANSAMERIQUES 2017 (Montréal – CA) – (LA) HORDE – TO DA BONE.

Hétérachique, quoi que !
La Horde est le nom de guerre qui rassemble Marine Brutti, Jonathan Debrouwer et Arthur Harel depuis 2011. C’est en 2014 avec « Avant les gens mouraient », une pièce pour les étudiants de l’Ecole de danse contemporaine de Montréal, qu’ils se font remarquer et qu’ils composent un fameux « dix minutes » pour le concours « Danse élargie » du Théâtre de la Ville de Paris en 2016. Ainsi nait l’embryon de To da bone qui revient primé sur les bords du St Laurent…

De formats très courts, 25 à 30 secondes pas plus, les trois leader de La Horde vont faire non seulement jaillir un spectacle d’une heure mais constituer un groupe de performers du monde entier qui s’adonnent au Jumpstyle…
Jumpstyle ! quesa quo ? C’est une danse, entre mouvements repérés dans le sport, dans les arts martiaux, on pense aussi aux entrainements militaires intenses et donc aux jeux vidéos de ce style qui pullulent. Elle est d’abord exécutée seul mais peut donner lieu à des expressions en groupe. Le jumpstyle a débuté dans des boites de nuit en Belgique et s’est exporté puis développé pour être dansé dans des parkings, des lieux désaffectés. Dans la mise en scène imaginée par La Horde, il y a quelque chose de fascinant et qui ne laisse jamais tranquille. Les onze danseurs arrivent un a un. Ils sont en vêtement de sport fluo, tennis de marque au pied. Ils dévisagent le public, l’air patibulaire mais presque ! Il y a une sorte de préparation mentale qui s’opère. Le silence est pensant dans la salle. On attend et soudain le décompte est lancé à voix haute et à huit le groupe rassemblé au centre du plateau entame une série de sauts en rythme et tournent sur eux mêmes. On pense aux parades des avions lors des défilés militaires comme la patrouille de France. Il y a une écriture très ramassée des gestes. On pense à Folks du chorégraphe italien Alessandro Sciarroni avec ses mouvements de danse tyrolienne exécutés jusqu’à épuisement. Le groupe va se disloquer, occuper tout l’espace toujours en exécutant des mouvements de pied, en lançant la jambe comme dans les arts martiaux. L’individus qui semble primer dans cette pratique s’agrège pour l’occasion du spectacle et forme des ensembles qui captivent l’attention.

La musique est fondamentale dans le jumpstyle. A l’origine du mouvement fondé dans les années 1990 par Patrick Mantizz et Dion Teurlings alias Patrick Jumpen les adeptes, surtout des jeunes hommes, recherchent dans le climax le rythme qui frôle les 140 et 145 battements par minutes… Les gestes calés sur ce rythme endiablé sont donc très rapides et, on le voit dans le spectacle, très codifiés. C’est à la fois une danse et un langage avec sa communauté. Il y a les puristes et les développeurs qui mélangent plusieurs influences. Il y a aussi cette marque d’une société de l’image ou la performance individuelle prime et dépasse celle du groupe avec tout de même le besoin de se trouver des alter-ego, des points communs et avec des vidéos diffusées sur le net qui ont atteint jusqu’à 25 millions de vues sur des réseaux comme You Tube. On voit bien qu’en vingt ans le mouvement a pris de l’ampleur, touché la jeunesse, sorti des ghettos nombres de jeunes qui, sans cela, se seraient effondrés dans une société où ils ne se projetaient pas.

Marine Brutti, Jonathan Debrouwer et Arthur Harel ne pratiquent pas le jumpstyle. Ils revendiquent avoir repéré dans l’émergence puis le mode de développement de cette danse une similitude non seulement avec leurs propres outils d’écriture scénique : la vidéo, mais la musique et le mouvement. Autant de points communs qui les ont poussés à monter de toute pièce non seulement ce groupe mais aussi ce spectacle. Ils ont été fascinés par la mine que représentait cette jeunesse, principalement masculine – mais pas que, la preuve avec Camille Dubé Bouchard, étonnante dans le spectacle.

La Horde s’amuse à glisser dans To da Bone des retranscriptions de ces peintures ou sculptures des pays communistes de l’Est pour signifier sans doute l’importance et l’engouement des jeunes de ces pays pour le jumpstyle. Cette danse est la preuve de la volonté d’émancipation de cette jeunesse qui veut faire parti d’un autre système en se reliant les uns aux autres par le biais d’internet qui désintègre les frontières. Alors Hétérachique la Horde ? en tous les cas très organisée, très efficace ne manquant pas de talent. Tâchons de voir ce que va devenir le jumpstyle présenté ici et là comme un feu de paille, la dernière fois qu’on a dit ça, c’était pour le Hip-Hop. On sait ce qu’il est advenu.

Emmanuel Serafini

Photo © Laurent PHILIPPE

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