INTERVIEW : Cie EX-NIHILO POUR « PARADISE IS NOT ENOUGH »
INTERVIEW Anne Le Batard – « Paradise is not enough » – Anne Le Batard et Jean-Antoine Bigot, Cie Ex Nihilo. Scène nationale de La Garance, dans le cadre du festival Les Hivernales 2018.
La compagnie marseillaise Ex Nihilo et Avignon, c’est une grande et belle histoire de ces histoires de toutes saisons. Invitée par Les Hivernales pour le Off 2013, elle avait présenté un « Trajet en ville » en investissant la cour du lycée Aubanel dont on peut parier que les pierres s’en rappellent encore ! La compagnie reviendra dans la programmation du festival des Hivernales l’hiver 2014 pour « Juste avant le bruit » et cette fois dans la grande chapelle du Palais des Papes s’il vous plaît ! Plus récemment Jean-Antoine Bigot, l’un des deux chorégraphes, avait présenté toujours pour les Hivernales un étonnant travail sur sa relation chorégraphique avec la peinture, c’était la Maison Jean Vilar qui lui ouvrait ses portes en 2017 pour « Derrière le blanc ». Puis, Ex Nihilo s’est installée au théâtre Golovine pour animer un Mardiff en février dernier avant de nous servir, sur le beau plateau de La Garance et pour ces Hivernales 2018 son « Paradise is not enough » bref, Ex Nihilo joue à domicile. Quoi que….à domicile, ne colle pas vraiment au processus de la compagnie, leur terrain de danse se situerait plutôt là, devant chez vous, sur cette place, au milieu de cette cour, le long de cette rue et surtout face à tous les publics du monde. Echange tout en douceur avec Anne Le Batard au lendemain de la représentation.
Inferno : « Paradise is not enough », pièce d’intérieur, c’est un parcours inverse, un retour aux sources qui ne sont pas les vôtres ?
Anne Le Batard : C’est un travail mené en parallèle, un diptyque avec « Paradise » pièce pensée pour l’extérieur alors que « Paradise is not enough » a été construite pour le plateau, pour la boîte noire. Le plateau est devenu un enjeu avec cette création. Par habitude, notre travail in situ ne nécessite aucune transposition et tous ces « endroits scénographiques urbains » que nous découvrons, à pied, appareil photo en main, un peu partout sur la planète sont notre seule matière. Le plateau a confirmé la nécessité si ce n’est le besoin de composer avec des objets certes simples puisque tellement communs (chaises en plastique, cordes, pneu NDLR) mais ce sont ces objets qui construisent ces espaces de vie des pays du sud où le rien devient royaume.
Vous utilisez très souvent le terme de construction. Votre rapport y compris avec Jean-Antoine Bigot à l’architecture reste une source d’inspiration première.
Je crois que nous avons développé une réelle aptitude physique d’observation et d’aptitude au milieu extérieur, à ces environnements architecturaux. Notre désir et notre le plaisir reste de s’approprier l’architecture, de placer les corps au sein de ces…constructions ! C’est aussi un questionnement sur notre capacité en tant qu’humain à agir sur l’espace, à l’utiliser, le transformer et tenter de trouver la bonne échelle ce qui revient à s’interroger sur une nécessaire modestie.
Pour ce qui est de la construction scénographique de « Paradise is not enough », c’est surtout Jean-Antoine qui a construit, composé le plateau et tout particulièrement l’assemblage des chaises. Cette installation ressemble à un vrai « Légo » délicieusement enfantin et pourtant parfaitement assemblé, équilibré.
Le théâtre en tant qu’espace est, selon vous, à habiter, à faire danser, à fantasmer comme un « bout de ville ». La boîte noire serait-elle une ville avec ses espaces, ses volumes, ses frontières ?
Et bien non, pas du tout et c’était bien notre problème, notre abîme même. Il faut tout construire, tout inventer, tout organiser pour s’approprier le lieu alors qu’au-dehors le tout, le rien sont des bouts de ville. On se sait depuis longtemps sur cette séparation du dehors-dedans et finalement le travail avec « Paradise is not enough » nous a permis d’observer autrement notre relation à l’extérieur. La magie du diptyque reste d’engager ou de concrétiser le passage, le franchissement et ainsi s’interroger sur la porosité. Mais vous savez… ces « Paradise », nous confortent et nous offrent comme une confirmation : on sait d’où l’on vient !
Propos recueillis par Vincent Marin
Crédit photos @ Vincent Marin