YVES-NOËL GENOD, « HAMLET UNLIMITED » : UN MOMENT RARE DE THEÂTRE

Hamlet Unlimited – D’après Hamlet de Shakespeare – Mise en scène Yves-Noël Genod – Théâtre de Vanves – Festival ArtDanthé – Le 13 mars à 21h

Il s’est promis de travailler sur ce texte toute sa vie. Ce « Hamlet Unlimited » est la troisième version que le metteur en scène dandy Yves-Noël Genod fait du texte de Shakespeare. Il en a montré en mars quelques avants-premières, dont une à laquelle j’ai pu assister.

Comment décrire la force de cette expérience ? Comment traduire en mots une telle beauté ? Avec cette mise en scène, YNG semble atteindre la maturité dans ses propositions, maturité alliée à une radicalité plus affirmée encore dans son expression.

Un comédien seul en scène, de langue anglaise, évolue autour de quelques tables disposées en carré ouvert. Il tient à la main un livre et nous parle. Il se parle aussi à lui, et il écoute, et il joue. Il n’incarne jamais tout-à-fait, c’est juste au bord.

Le comédien est ouvert au présent et le présent lui répond. Le monde autour du théâtre infiltre le théâtre lui-même et le théâtre lui répond. On est là exactement dans le cœur de la recherche du metteur en scène : un présent qui nous traverse tous, relié aux temps passés et à venir. Les échos furieux du monde affleurent à la surface du langage. Pour qui sait laisser ouvertes en lui les portes de la perception, l’expérience est bouleversante.

Tout au long de cette représentation – mais peut-on encore parler de représentation ? – la scène est faiblement éclairée par des néons qui éclaboussent la salle, mettant les spectateurs dans la même ambiance que les comédiens. Ainsi le poète abolit subtilement la frontière tout en conservant l’espace sacré de la scène. Tout est baigné dans une fumée blanche qui semble curieusement stable, à l’écoute elle aussi, immuable, infinie. Autour du comédien apparaissent des spectres, puis un duo comique et barbu de circassiens. Le grotesque qu’ils amènent se fait aérien et léger. Ils amènent physiquement la poésie du présent dans les cintres du théâtre, puis ce présent crève le toit.
Le comédien / Hamlet s’absente puis il revient. Il est à la fois dans ces deux situations là, et son absence renforce encore la puissance évocatrice de la scène. Il joue en creux. Il passe du français à l’anglais, du texte de Shakespeare au téléphone avec sa femme, de la poésie à l’adresse triviale et directe. Il fait semblant d’incarner et les personnages en lui parlent vraiment. Et alors tout devient poésie, il y a contamination du présent par la beauté.

Ce spectacle est sans doute une des plus belles propositions qu’Yves-Noël Genod ait faite jusqu’ici. C’est un moment très rare de théâtre.

Willie Boy

Pour prolonger : Le Blog d’Yves-Noël Genod : http://ledispariteur.blogspot.fr/

Festival ArtDanthé : https://www.theatre-vanves.fr/

Photos copyright Yves-Noël Genod

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