« SUMMERLESS », L’IRAN INTIME DE KOOHESTANI

« Summerless »- Mise en scène : Amir Reza Koohestani – Festival d’Avignon 2018 – Chartreuse du 08 au 15 Juillet à 18h00 – Durée 1h10 – En persan sur-titré.

C’est au sein de la Chartreuse que le metteur en scène iranien Amir Reza Koohestani propose le dernier volet de sa trilogie débutée en 2013 par « Timeless » puis suivie par « Hearing » en 2015. Là encore le metteur en scène peint une société en pleine déliquescence où tous les fondamentaux sont mis à mal. C’est au travers d’une histoire banale et intimiste qu’Amir Reza Koohestani met en scène cet Iran ou tout n’est qu’entorse à ce qui devrait être force de loi.

C’est en passant devant son ancienne école délabrée qu’Amir Reza Koohestani a ressenti ce besoin de mettre en scène l’histoire croisée de cette surveillante d’école en mal d’enfant et mariée à un peintre non reconnu dont elle est séparée. Pour se faire quatre sous, celui-ci accepte la proposition de son ex-compagne de repeindre l’école. En Iran l’école est gratuite mais depuis peu il est donné plus de latitude aux écoles qui peuvent augmenter à loisir les frais de scolarité. C’est grâce à ce rafraîchissement que cette surveillante a trouvé matière à augmenter le prix de son école. Au milieu de ce couple déchiré, une mère qui vient tous les jours à l’école pour attendre sa fille secrètement amoureuse du peintre, intervenant artistique dans sa classe.

Autant dire qu’Amir Reza Koohestani y va par touches légères. Tout n’est qu’intime et feutré ici, même s’il s’agit avant tout d’un prétexte pour nous montrer la grande histoire, celle de son pays et du changement. Le peintre efface les anciens slogans de la révolution pour faire entrer son pays dans un courant libéral en devenir où toutes ses certitudes sont mises à bas, il ne blanchit pas que les murs, il efface ici l’histoire de son pays, sa propre histoire. Sur scène, une entrée de cour d’école, quelques lavabos et un tourniquet pour enfants. Le metteur en scène joue habilement de la vidéo pour donner forme à la peinture et aux souvenirs qui s’effacent, au passé qui disparaît et au futur qui prend forme. Pas de noir ou de sortie de comédiens pour représenter l’enchaînement des saisons mais simplement une inscription vidéo donnant le rythme de la vie. Les personnages sont là, comme immuables, laissant le temps passer autour d’eux, les mots sont lents, parfois trop. La tension est palpable mais toujours en retenue, on peut sentir qu’un ouragan peut arriver à chaque instant mais que ce déferlement de colère est ici impossible, chacun jouant un rôle de dupe. Seule la petite fille, à la fin, a cette part d’innocence qui laisse les adultes à leurs doutes et à leurs non-dits.

Pierre Salles

Photos Luc Vleminckx

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