« PUR PRESENT », LA TRAGEDIE BRUTE D’OLIVIER PY

72e FESTIVAL D’AVIGNON. « Pur présent » Texte et mise en scène d’Olivier Py – Du 7 au 22 Juillet 2018 à 18h00 – Durée : 3h (deux entractes) à la Scierie.

Olivier Py qui enchantait l’an dernier le Festival avec ses Pièces de guerre d’Eschyle, épurées et puissantes, revient cette année sur ce même concept à partir cette fois de ses propres textes. Stimulé par son travail à la prison du Pontet, Olivier Py livre ici un texte ciselé, à la fois contemporain et universel, sans effet de style et allant droit au cœur. Un texte pouvant paraître en opposition avec les formes foisonnantes et baroques habituelles du metteur en scène mais qui pourtant forme bien le tout d’un homme complexe qui a besoin de ces deux formes pour parvenir à vivre son Art.

C’est dans ce nouveau lieu du Festival qu’est la « Scierie », près de la porte Saint-Lazare, que la tragédie prend forme ce soir-là. Exit la chapelle de la Chartreuse de Villeneuve utilisée l’année dernière pour les Pièces de guerre, Olivier Py a dû préférer cet espace plus industriel pour sa tragédie contemporaine. Très peu de moyens, une chaise et quelques accessoires mais surtout un plateau carré, les spectateurs placés en tri-frontal comme une sorte d’amphithéâtre aux formes modernes. En fond de scène une immense toile de Philippe Bresson représentant une émeute et, avant tout, trois formidables comédiens, puissants, clairs, aiguisés comme des lames de rasoir, les gestes semblent aussi précis que les mots de l’auteur.

« Pur présent » dresse un constat direct, violent, sans concession du monde tel qu’il est et parle bel et bien du présent dans un style eschyléen. Olivier Py a longtemps traduit les textes d’Eschyle et retrouvé par là même la nécessité d’une écriture concise, directe et forcément politique.

Les deux premières pièces tournent autour du pouvoir et de la notion de bien et de mal, avec un truand interprété par Nâzim Boudjenah qui dans la première pièce, rencontre en prison un aumônier, fils d’un banquier véreux (toujours Nâzim Boudjenah) que l’on retrouvera dans la deuxième pièce et qui, à l’aide de sa crypto-monnaie, parvient à s’enrichir et à mettre en banqueroute les pays européens. La troisième partie, sorte de parabole, met en opposition la notion de morale (ce qui est interdit) et d’éthique (ce qu’il convient de faire), une écriture plus complexe pour le coup mais qui reste un bel écho de notre Société en un temps où chacun veut interdire à l’autre de vivre comme il l’entend sous couvert de morale, qu’elle soit laïque ou religieuse.

Sur scène le comédien Nâzim Boudjenah, pensionnaire de la Comédie-Française, irradie la scène de son jeu et sa puissance, oscillant entre tension palpable et dégagement instantané de fureur. Dali Benssalah et Joseph Fourez lui donnent la réplique avec le même entrain, même si leur jeu paraît plus en retrait en regard du charisme de Nâzim Boudjenah. Au piano, Guilhem Fabre souligne avec à propos les moments forts de la pièce.

Un spectacle moins abordable que certaines pièces d’Olivier Py mais une forme brute et minérale qui a tout de la tragédie grecque, qui va droit à l’essentiel et servie remarquablement par cet immense comédien qu’est Nâzim Boudjenah.

Pierre Salles

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