LE BEL « ANTIGONE » D’OLIVIER PY

72e FESTIVAL D’AVIGNON : « Antigone » d’après Sophocle – Mise en scène : Olivier Py et Enzo Verdet – La Scierie les 18, 19 et 20 Juillet à 11h00 et 15h00 – Durée : 50 minutes

Après son « Pur Présent » présenté à La Scierie, Olivier Py revient sur « Antigone », travail réalisé avec des détenus de la prison du Pontet. Autant dire de suite que cet Antigone fait éminemment écho à son texte « Pur Présent » dans lequel les spectateurs ne savent plus où se situe la vraie voyoucratie. Faut-il la chercher dans nos prisons ou sur les marchés financiers ?

Ici, point de transposition mais la même nudité du plateau, les comédiens amateurs sont seuls sur scène avec comme fond de scène une ville en ruine. La guerre est finie, les deux frères Etéocle Polynice se sont entre-tués mais l’un pour défendre la ville et l’autre pour retrouver le pouvoir. Alors qu’Etéocle aura droit aux funérailles telles que l’exige la tradition, le roi Créon décide que Polynice n’aura droit à rien et laissera son corps pourrir et manger par les chiens. Seule Antigone aura alors le courage de braver le pouvoir afin de donner à son frère des funérailles dignes de tout homme.

Coup de maître d’Olivier Py d’avoir su imposer son idée et mettre en scène ces hommes pour la plupart détenus. Cet aspect hante tous les esprits et, malgré quelques problèmes bien naturels de diction pour ces comédiens non professionnels, l’émotion est intense. Tous les rôles sont bien entendu joués par des hommes et pas un instant cela pose problème tant le propos devient fort, dit par des hommes pour lesquels Loi et Dignité sont des mots d’une importance vitale. Dans le rôle d’Antigone, le jeune comédien est criant de sincérité et de justesse quand il nous dit comprendre la loi mais désirant avant tout que Polynice reste un Homme dans la mort, que pas un morceau de viande ne soit laissé aux chiens et aux oiseaux. Comment ne pas entendre un écho aux conditions désastreuses et toujours dénoncées de nos prisons françaises ? Comment ne pas être bouleversé par ce Créon qui ne veut transiger avec rien et qui à la fin découvre son malheur et ses fautes dans un grand moment de théâtre chargé d’émotion.

Autant dire que le public acclame les sept comédiens Gryne, Christian, Mourad, Paulu Andria, Pierrick, Redwane, Youssef et le travail fin et intelligent des metteurs en scène Olivier Py et Enzo Verdet qui ont su ne pas faire jouer la corde sensible mais plus simplement offrir à ces hommes ce formidable moyen d’expression qu’est le théâtre, ce moyen qui permet entre autres de livrer son âme au public en étant un autre personnage sur scène. Le triomphe est complet et on ressent une grande émotion, autant sur scène que dans les yeux d’un public conquis par la force de la proposition. Pouvoir féliciter certains de ces comédiens à la fin du spectacle et ressentir au fond de leurs yeux l’importance de ce qu’ils venaient de vivre en tant qu’hommes ajoute à la réussite théâtrale. Comme pour tout artiste, vivre, donner ces textes au public et transmettre l’émotion est certainement vécu ici comme une nécessité indispensable à la survie. Un beau moment !

Pierre Salles

Photo © Christophe Raynaud de Lage

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