« DANSER CASA », OLD SCHOOL – NEW CAST !

DANSER CASA – Kader Attou & Mourad Merzouki – Ven. 19 oct. | 20h30 | Toboggan | Décines-Charpieu.

Old School – New cast !

Le principal critère pour évaluer une telle proposition serait de savoir où en étaient les jeunes amateurs aujourd’hui sur scène et jusqu’où et comment ils sont arrivés à cet exploit (c’en est toujours un que d’être sur une scène) de danser cette chorégraphie imaginée pour eux par deux experts français de la danse Hip- Hop, à savoir Kader Attou et Mourad Merzouki…

En l’absence de cette donnée, l’analyse qu’on pourra faire semblera sévère puisque de la capacité de ces jeunes danseur(e)s – car, contrairement à des initiatives similaires menées par des artistes comme Hervé Koubi, il y a une femme dans cette troupe de huit danseurs venus du Maroc – dépend le projet qui prend (ou pas !) une forme, une direction qui se met un peu à la disposition du casting, comme on dit au cinéma.

Sur la capacité physique des danseurs, on notera la dextérité des artistes apparentés au cirque avec moult saltos et autres figures spectaculaires dont ce porté très audacieux donnant cette sensation de vide et de peur aux spectateurs particulièrement en empathie avec les danseurs à ce moment précis. Sur le reste, la qualité des danseurs est réelle, même si quelque petits défauts, çà et là, de précision dans les ensembles trahissent l’extrême attention des deux chorégraphes à ne pas perdre de monde en route et à ne pas accentuer les difficultés avec une écriture trop complexe… d’où cette sensation un peu convenue de l’ensemble.

Ce qui frappe dans cette proposition, c’est sans doute l’attitude des deux créateurs qui semblent regarder tout ça avec une bienveillance de sages, une approche old school avec ce qu’il faut de distance et de recul sur leur propre art comme sur leur propre parcours pour ne pas tenter un exploit qui aurait compliqué une chorégraphie somme toute sommaire, d’autant plus quand on sait de quoi ils sont capables avec leur propre compagnie.

On ressent d’ailleurs ce côté nostalgique de la grande époque du Hip-Hop, qu’ils ont accompagnée de propositions fortes sinon notables, avec une écriture très « à la face » en frontal, des mouvements de rassemblement des danseurs comme dans les battles où tout le monde se regroupe d’un coup pour la figure finale. C’est sans doute l’indice d’un retour aux fondamentaux. Il est encore plus visible via cette idée de « tableaux » qu’on retrouve dans les « chorés » de Battles mais qui avaient – Dieu merci !– cessé dans les nouvelles œuvres des deux créateurs qui ont dorénavant une « dramaturgie » bien plus liée, avec une continuité du propos qui offre des points d’appuis plus durables que les quelques minutes que durent celles des dites battles

Après un slam à la gloire de Casa (!), le rideau s’ouvre sur un plateau sobrement sombre, occupé de cousins rouges richement décorés, en harmonie avec les ampoules rouges au lointain dont on verra plus tard que ce sont des tennis qui serviront à créer d’intriguant repères lumineux dans le noir – hommage à Alwin Nikolais ? – Une lumière intime, possible grâce à ces abat-jours en métal martelé et ajouré, et la pièce commence par un solo puis une arrivée en groupe des danseurs au lointain. Cet amas humain, seul contre tous, sera un peu la signature de la pièce : toujours tous ensemble et de face ; Kader Attou et Mourad Merzouki usant peu d’autres formes d’écriture. Vont suivre des « tableaux » avec des situations classiques, rejet, exclusion, mise à l‘écart une bande-son aux sources multiples jusqu’à cet air furieusement russe qui s’installe… et à la fin, ça se termine bien… ça se termine même très bien grâce à la présence inattendue de Stella Keys qui, grâce à son mouvement fluide, dynamise une danse testostéronée, basée sur l’exploit que chaque individu peut faire sur scène.

Présentée dans le cadre de la 12ème édition du Festival Karavel, dans un Tobbagan de Décines plein comme un œuf, Danser Casa est une proposition qui ne va pas révolutionner la danse mais qui est sans conteste le signe de la générosité de deux compères Attou et Merzouki, qui laissent planer dans cette pièce le signe de leur passé, en confiant aux jeunes danseurs marocains les fondements d’une chose qu’ils ont tous deux inventés et qu’ils laissent ici en héritage, ce qui est déjà un beau geste.

Emmanuel Serafini

Photo Michel Cavalca

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