« SONOMA » : RENDEZ-NOUS LUIS BUÑUEL !

sonoma

75e FESTIVAL D’AVIGNON. « SONOMA » – Marcos Morau – Cour d’Honneur – Du 21 au 25 juillet à 22h. 

RENDEZ-NOUS LUIS BUÑUEL !

On était déjà étonné de trouver dans la programmation du festival d’Avignon le nom de Marcos Morau, un chorégraphe à la gestuelle datée, à la danse saccadée… mais avec « Sonoma », sa nouvelle création, on sombre dans une pièce kitsch qui n’est pas à la hauteur ni de nos attentes ni de cet endroit sublime.

Et au moment où ce 75ème Festival d’Avignon, d’une assez bonne tenue dans l’ensemble, touche à sa fin, on est toujours surpris par les choix chorégraphiques d’Olivier Py qui aurait définitivement marqué son audace en programmant exactement à l’inverse : Jan Martens dans la Cour (il le mérite !) et Marcos Morau, s’il fallait le faire venir, dans un autre endroit – peut-être même à l’Autre Scène de Vedène, l’intérieur aurait sans doute mieux réussi à ce spectacle pompier, aux images kitsch et à la danse glissée jusqu’à l’écœurement.

Notre seul espoir résidait dans le fait que le programme du Festival annonçait une pièce dans le droit fil d’une courte chorégraphie datant de 2016 réalisée par Marcos Morau pour le ballet de Lorraine sur le thème du surréalisme. Ici, il devait être question du réalisateur Luis Buñel – je dis bien « devait » car on cherche encore le rapport entre « Sonoma » et le grand réalisateur espagnol ! – tout de suite, nous avons imaginé un grand moment autour du « Journal d’une femme de chambre » et Jeanne Moreau, ce qui aurait été un bon moyen de rendre hommage à l’une comme à l’autre. Il aurait pu être question aussi d’ « Un chien andalou » et de son fameux œil coupé au scalpel qui fit scandale… Ici, rien de tout cela… Une accumulation d’images désuètes, servies par une danse saccadée, faite de glissés et de lamentations pseudo religieuses. Barbant.

Connaissant le travail de Marcos Morau et l’image qu’il pose dès l’entrée du public dans la Cour, on aurait dû se douter du résultat…

Une grande croix ficelée de cordes trône autour de cinq écrans : deux très grands, les autres plus petits – et en les voyant, on se dit « chouette » il va y avoir des images projetées, pourquoi pas même, des extraits de films marquants de Buñel… et bien rien du tout, cela sert juste à réfléchir la lumière et à appuyer un groupe des danseuses qui forme le corps de ballet (on en est là !) qui apparaît en glissant sur le sol, en tournant comme des toupies remontées à bloc, dans de grandes jupes qui sont sans doutes empruntées au folklore espagnol et aux habits traditionnels…

Le plateau est nu, on remarque des fly-cases et deux gros projecteurs au milieu de la scène pendant que, dans la Cour d’honneur des Papes du moyen âge, nous sont scandées des paroles empruntées à la Bible et quelques digressions sur la résorption du cancer et des maladies dans le monde (tout un programme !)… Les danseuses finissent par tourner autour de la croix en tenant les cordages… Vous voyez le genre…

Marcos Morau ne reculant devant rien, met le feu à la façade du Palais des Papes, mais on a l’impression d’un feu de cheminée artificiel, c’est d’ailleurs le mot qui revient en repensant à ce spectacle, aucune image ne marque, tout semble factice… c’est lourd et emprunté, voire très daté…

Un brouhaha de cloches résonne pendant que les femmes reviennent toutes habillées de noir, sorte de jupe – salopette et refont des ensembles avec des bras cassés, des mains courbées en dedans, des têtes balancées… c’est lourd.

On est obligé d’en passer par les nonnes voilées aux cornettes noires rehaussées de brillants, de têtes géantes de vielles femmes qui finissent dans les fly-cases… de tambours qui viennent scander, on ne sait pourquoi, au beau milieu du spectacle duquel on a déjà hâte de sortir… Lorsqu’un homme sans tête, marchant comme une poule tout juste décapitée, fait son entrée et se retrouve affublé par une jeune vierge en jupe blanche en dentelle d’une boule de lumière… rien ne nous sera épargné. Le virevoltement des danseuses dans cette jupe blanche à volants, rappelant la danse soufi, est peut-être le seul moment de grâce du spectacle, mais il est tellement vain et sans fondement, qu’il est étouffe-chrétien, c’est le cas de le dire !

Marcos Morau nous achève littéralement avec ces coiffes de fleurs dont il a affublé les danseuses qui sont ni plus ni moins que les sœurs des Érinyes de la tragédie grecque qui ont fait le mal dans le monde comme mis le feu à la bibliothèque d’Alexandrie et tout un tas de malheurs dont on vous passe les détails…

Pour être très honnête, le spectacle s’achève par une standing ovation du public, mais nous, cela nous a laissé froid et indifférent tant tout ce fatras semble plaqué, sans sentiment, comme disait Jouvet. Un rendez-vous raté pour nous et un mauvais spectacle de danse dans la Cour… Une fin de festival qui n’a pas le goût du reste… dommage.

Emmanuel Serafini

Sonoma, Marcos Morau, 2021 © Simone Cargnoni – Jump cut

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