« LA BELLE SCENE SAINT-DENIS », PLACE FORTE DE LA DANSE A AVIGNON

AVIGNON OFF 2022. LA BELLE SCENE SAINT-DENIS – Programme 1 : « Le poids des médailles »/Clémentine Maubon & Bastien Lefevre – « Wo-Man »/ Amala Dianor – « Cheb »/Filipe Lourenço – Du 11 au 15 juillet 2022 – Théâtre La Parenthèse.
BLEU BLANC ROUGE
Il fait déjà chaud sous le velum de La Parenthèse lorsque la multi-médaillée Clémentine Maubon surgit à cour, pieds dans le sol, bougeant à peine et faisant tous les gestes du sport comme la boxe, le tir à l’arc, le plongeon… La musique live derrière l’aide à prendre de plus en plus d’ampleur dans le geste et sa présence s’affirme. Cette statuaire mobile capte l’attention et permet de mesurer l’effort qui va être fourni pour tenir de ce qui s’apparente plus à une performance qu’à un ballet et la mener quasi à l’autre bout de la scène, trainant avec elle toutes ses médailles… Le poids qui la retient met le corps en flexion au point de lui imposer une parallèle presque parfaite avec le sol… Les extrémités sont tendues, le rictus de souffrance est visible. L’effort est bien là ! Trois femmes apportent les podiums et les félicitations pleuvent. Parée de tous les atouts d’une victoire, la pauvre médaillée croule sous les récompenses jusqu’au chèque qui vient parfaire la parodie qui est drôle et détend l’atmosphère. C’est très intelligemment fait, la musique de Bastien Lefèvre et la belle jeunesse sont en tout point parfaites. Le pari est réussi, les bookmakers peuvent parier sur cette championne… elle fera parler d’elle !
BLUE LADY
Autre salle, autre ambiance et là c’est du souvenir d’une pièce naguère dansée par Amala Dianor et qu’il a passé à Nangaline Gomis dont il est question. Un transfert bien venu qui nous permet de découvrir le talent de cette jeune danseuse qui n’a pas froid aux yeux et qui se mesure à cette danse qui, passée d’un homme à une femme, devient encore plus fluide et légère, comme un souffle de vent qui manque cruellement à Avignon en ce moment. Arrivée dans le silence, dans une tunique bleu pétrole, le son d’un cuivre empêché ouvre la danse qui va couler comme une mer tendre et calme. Les mains posées comme sur une table, la danseuse bloque le bassin et d’un simple mouvement de la tête change de rythme et repars dans un flot de gestes des bras. C’est délicat et aérien à souhait… Ici aussi, un talent se prépare à nous surprendre.
ROMULUS ET ROMUS
Kerem Gelebek entre sur scène, un fond de musique orientale l’accompagne. Il balance à peine le bassin lorsque Youness Aboulakoul le rejoint. A eux deux ils vont enflammer la salle dans un crescendo qui est d’autant plus admirable que la chaleur est à son comble à l’heure où ils passent et que Filipe Lourenço, le chorégraphe de ce duo, ne leur a rien épargné… Un début, pieds dans le sol, jouant de leur différence et de leur complémentarité, les deux danseurs sont ensemble mais ne le cherchent pas. Ils sont pareils et uniques ; puis le mouvement prend de l’ampleur… il devient hypnotique. On ne regarde qu’eux. Il atteint son paroxysme avec un geste d’une ampleur qui prend toute la scène et la salle avec lui. On tourne. On compte. On est saoulé d’ivresse de ces gestes puissants qui étourdissent. L’exploit est admirable et tout le monde le sait et le comprend. Sachant que c’est la matière d’une nouvelle pièce, on a hâte de voir la suite…
Vous l’aurez compris, que du bon dans la Belle Scène Saint-Denis qui, comme à son habitude, est à la hauteur de nos attentes avec des talents qui ne demandent qu’à jaillir…
Emmanuel Serafini
Image: « Wo-man », photo Romain Tissot