« MY EPIFUNNY », LA DRÔLE D’EPIPHANIE DE BERRETTINI POUR LA PLANETE
Lausanne, correspondance
« My Epifunny » – Marco Berrettini – Arsenic, centre d’Art Scénique Contemporain, Lausanne, du 11 au 16 octobre 2022.
Un drone sillonne et éclaire une scène vide. Seule une passerelle au centre de la scène débouche dans les gradins, au milieu du public. La photo de l’affiche du spectacle est trompeuse. Tout comme notre planète à l’apparence opulente.
En fait, c’est l’histoire du naufrage de ce spectacle qui nous est contée au fil des sms téléphoniques postés par les commédien-es, dont plusieurs abandonnent les répétitions en cours de création. Tels nos comportements humains qui se détournent de la catastrophe planétaire en cours. Le tissu de camouflage qu’ils portent évoque un conflit guerrier, tandis qu’iels dansent et chantent au ralenti.
La très belle chanson mélancolique de Johnny Cash, magnifiquement interprétée par Bryan Campbell, capitaine de ce navire en perdition, donne le ton :
What have I become
My sweetest friend
Everyone I know goes away
In the end
And you could have it all
My empire of dirt
I will let you down
I will make you hurt
L’une des actrices interpelle le public, lui demandant s’il a vécu des épiphanies, s’il sait ce que c’est qu’une épiphanie, puis s’en va en grommelant qu’elle s’en fout. Un chien vadrouille, décontenancé et dépendant des fantaisies humaines. Une leçon d’aérobic étant sensée les dynamiser, iels commencent par suivre la coach puis abandonnent l’un après l’autre. « Let’s get physical » devient un dérisoire « Soyons corporels ». Le capitaine du vaisseau, dénudé, n’a plus d’argument. Tous rassemblés assis à l’extrémité de la passerelle, ils parlent en chuchotant d’associations, de journées mondiales et de coming-out…puis disparaissent peu à peu, il n’en restera qu’un, scrutant le public avec insistance, puis s’en allant, avec le drone comme compagnie.
J’avoue être sortie du spectacle, frustrée et déçue : je n’avais pas fait le lien, pas compris l’analogie. Après coup, il me semble percevoir le sens de ces mouvements ralentis, de ce décor naval, de ce chien sur scène, de ce nu finalement cohérent, du fil entier que déroule ce spectacle musical décrit comme étant : « Une œuvre chantée, dansée et musicalisée pour tout être anxieux, souffrant, pauvre et confus. Une œuvre pour la planète entière. ».
Voilà. Quelquefois il faut une épiphanie…une illumination, ou un temps de recul pour entrer dans un spectacle et en saisir la singularité et la force. So funny, isn’t it?
Martine Fehlbaum,
à Lausanne