ANNIE ERNAUX : LE NOBEL DE LITTÉRATURE DÉFINITIVEMENT DISCRÉDITÉ

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TRIBUNE. ANNIE ERNAUX : LE NOBEL DE LITTÉRATURE DÉFINITIVEMENT DISCRÉDITÉ.

Décidément, cette « académie » de vieilles huiles rances a franchi un pas de plus dans l’absurdité et l’indécence. Oser nobéliser une écrivaillonne si franco-française et si autocentrée sur sa médiocre personne relève d’un non-sens absolu, au vu de ce qui devrait normalement conduire les Nobel à récompenser une pensée universaliste et un rayonnement universel, une invention créative et une révolution formelle en profondeur de la littérature. Mais cette labellisation à rayonnement mondial, octroyée à Annie Ernaux sur des considérations purement politiques et opportunistes (comme le sont les Nobel de la Paix), constitue surtout une vraie  hérésie, une trahison même de l’esprit qui a présidé à la création de ce prix. (Certes initié par un dynamiteur hors-pair).

Certes, l’incompétence des jurés du Nobel et leurs calculs politiques ou géopolitiques crapouilleux, on s’y était déjà fait : cela avait mal commencé en honorant de ce prix « prestigieux » l’exécrable poète provençaliste Frédéric Mistral en 1904, notre premier « écrivain » folkloriste français à recevoir l’onction de la bien-pensante institution. Suivent dans les périodes postérieures les « indispensables » littérateurs français que furent Anatole France, Romain Rolland ou encore le soporifique et très catholique François Mauriac… Dans ces dernières décennies, d’autres tout aussi laborieux furent à notre grand désespoir récompensés de ce label usurpé, ceux-là soi-disant représentatifs de la « grande littérature française ». Foutaise : comment peut-on penser un seul instant que des faiseurs aussi vains et inutiles que Le Clézio* ou Modiano* puissent illustrer la vitalité et l’inventivité de la littérature de langue française ? Grande fumisterie.

Bien sûr, le Nobel a également et à juste titre honoré Camus, Gide, Saint-John Perse, Sartre (qui l’a refusé) ou encore Claude Simon en 1985. Certes… Ce furent les derniers dignes représentants de la littérature française à être ainsi reconnus sur la scène mondiale.

Mais on sait aussi que d’immenses écrivains furent blacklistés par l’institution pour leurs opinions politiques ou leurs « mœurs » inconvenantes aux yeux de cette belle académie composée pour l’essentiel de mâles pudibonds version protestante : ainsi de Céline, de Proust ou d’Ezra Pound, entre autres. Comme il ne leur serait jamais venu à l’idée, à ces érudits-là, de mettre en lumière un Jean Genet ou un Guyotat de leur vivant. Et puisqu’ici, en cette circonstance, il s’agit de femmes écrivaines françaises, n’eut-il pas été en leur temps opportun de récompenser une Marguerite Duras (que personnellement je n’aime pas) ou surtout une Nathalie Sarraute ? Mais évidemment, on connaît la règle du Nobel : il faut être encore vivant pour espérer le sacrement…

En réalité l’Académie Nobel aime attendre mourir les écrivains et de fait se dispenser de les honorer de leur vivant. Ainsi dernièrement, c’est Bob Dylan qui s’est vu adoubé, Léonard Cohen venant juste de mourir. Tous deux pourtant représentaient exactement cette même génération de la Pop Culture, l’un, Cohen, vrai poète, étant visiblement plus doué littérairement que l’autre, Dylan, sans conteste grand musicien devant l’éternel mais poète approximatif. A tel point que Robert Zimmerman lui-même mit quelques mois avant d’aller chercher son prix et s’exprimer sur ce Nobel surprise qu’il trouvait pour le moins déplacé…

Mais là, en ce jour du 6 octobre 2022, notre chère académie s’est dépassée et a commis l’irréparable. Consacrer une aussi insignifiante greffière, totalement égotique, se rengorgeant de sa jeunesse misérable de pauvresse de bar-épicerie de province, est simplement surréaliste. En quoi Annie Ernaux est-elle universaliste ? En quoi ses écrits rétrécis et nombrilistes intéressent-ils l’humanité ? Quelles briques a t-elle apportées à la littérature française et mondiale ? De quel ciment a t-elle consolidé l’assise universelle de la littérature ? Mystère.

Remarquez, on a échappé à Houellebecq, visiblement lui-aussi sur la short-list 2022 des « nobélisables ». Ouf ! Mais, franchement, manque t-on à ce point en France de grand(e)s écrivain(e)s -puisque il fallait récompenser un(e) Français(e), calculs et tambouille géopolitiques traditionnels de l’Académie Nobel obligent ?

Pour ce qui concerne nos « Français », ces dernières années, les Nobel ont laissé mourir Guyotat, notre plus grand écrivain depuis Céline. Trop subversif, trop « disruptif ». Comme ils attendront certainement que Pierre Michon décède, pour s’éviter de l’honorer… Nos écrivains remarquables, les seuls que l’on devrait adouber de ce label « prestigieux », doivent-ils décidément laisser place à de minables avatars, plus médiatiques, plus bankable, à défaut d’être de véritables créateurs ? A quand le prochain Nobel français de Littérature pour Virginie Despentes ?

Marc Roudier

* On pourrait également s’étonner de l’étrange concours de circonstances qui fait que la vénérable maison d’édition Gallimard a vu en trois décennies éclore par magie trois prix Nobel dans son écurie… Mais il est vrai que cette respectable institution est coutumière des « grands » prix,  franco-français ou internationaux, attribués à son cheptel…   

Lire : https://inferno-magazine.com/2020/03/12/pierre-guyotat-je-ne-peux-pas-voir-ce-monde-comme-un-monde-infernal-parce-que-jy-serais-deja-roti/

et aussi : https://inferno-magazine.com/2020/03/23/lecriture-comme-acte-dhallucination-perpetuelle-un-entretien-avec-pierre-michon/

Photo: L’écrivain Pierre Guyotat

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