FOCUS ON NORWAY : CARTE BLANCHE A DIMANCHE ROUGE AU GENERATEUR

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Focus on Norway : Carte blanche à Dimanche rouge / Le Générateur / Le 23 mars 2014.

Espace intermédiaire, hybride, à la lisière de Paris, Le Générateur se dédie aux formes d’expérimentation contemporaines. Depuis son ouverture en 2006, la programmation fait la belle part à la performance, dans son dialogue avec les arts visuels et plastiques. Chaque automne, FRASQ, un rendez-vous désormais incontournable, nous donne d’entrevoir la vivacité et la force poétique irriguant tout un champ de la création qui se maintient délibérément interstitiel.

Pour célébrer le printemps et le début de sa résidence au Générateur, Charles Pennequin, trublion hors pair des mots et des rythmes, a imaginé un « Grand destockage poêtik! », sonnant ainsi le coup d’envoi de tout un week-end dédié à la performance, dans une jouissive libération de l’imaginaire, sans entraves formelles ou géographiques. De Gentilly à la Norvège, il n’y avait qu’un pas, lequel a été franchi par les soins de Dimanche rouge qui, lors de cette deuxième carte blanche au Générateur, invitait le collectif Performance Art Bergen pour un Focus on Norway, occasion rare d’avoir un aperçu d’une scène encore très peu connue en France.

Le visage dissimulé par un masque de fourrure, Rita Marhaug instille le trouble dans l’audience. Son souffle lourd, entravé par l’épaisseur de cet accessoire qui convoque tout un pan de l’imaginaire surréaliste et notamment les objets velus de Meret Oppenheim, résonne étrangement dans l’immensité de l’espace vide. La dalle de béton brut semble vaciller, menace de se dérober à chacun de ses pas aveugles. La performeuse se maintient toujours au bord de la perte d’équilibre. La tension retombe pour un bref instant au moment où elle ôte son masque, juste pour augmenter l’incertitude d’une situation qui se refuse à toute lecture équivoque. Une pellicule laiteuse couvre ses yeux et ce constat miné par des doutes nous expose à la complexité des couches de perception. Skin deep se révèle ainsi vertigineux.

Le vertige est au cœur de la proposition d’Agnes Nedregard. L’idée est extrêmement simple et véhicule quelque chose de la fraicheur et de l’insolence des actions de la période inaugurale de la performance dans les années 60. Peut être s’agit-il de cette audace d’aller au contact, de franchir la sphère de l’espace physique intime des spectateurs, de tenter de faire sauter les carcans et les protections, d’autant plus farouches à l’heure de la dématérialisation des échanges. Chercher l’autre, provoquer un rire gêné, des émotions fugaces, des rencontres fortuites, une communauté éphémère. Avec une grande économie de moyens, Agnes Nedregard réactualise la question du faire corps, touche à quelque chose de fragile et d’essentiel.

A l’esthétique très soignée, minimaliste et ritualisée de la performance de Franzisca Siegrist, répondent les agissements compulsifs d’Anja Carr qui s’acharne sur la peluche –dépouille d’un cheval issu des contes. Particulièrement savoureuse dans ses postures oscillant entre des identités antagoniques, la performeuse négocie avec une grande adresse les glissements de l’univers enfantin vers des pulsions régressives.

Bannières, affiches, étendards, Kiyoshi Yamamoto mobilise tout un attirail pour sa performance participative, Get colourblind. Les tics du langage publicitaire côtoient les tropes du combat social, dans une dangereuse indétermination. Les spectateurs s’emparent de ces outils dans un élan jouissif qui ne saurait cacher le côté absurde de ces actions. La soirée se clôture ainsi sur une note participative et ludique.

Smaranda Olcèse

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Photos Eric Merour

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