FESTIVAL PARALLELE, A MARSEILLE : UNE FENÊTRE SUR LA JEUNE CREATION INTERNATIONALE
Festival Parallèle / 29/01 – 01/02 2014 / Marseille.
Le festival Parallèle a proposé au public marseillais, du 29 janvier au 1er février derniers, une sélection d’artistes internationaux dont le point commun est l’expérimentation de nouvelles écritures et procédés scéniques. S’il n’est pas aisé de s’y retrouver à travers cette programmation fournie, on notera tout de même un fort penchant pour des formes qui se jouent des catégorisations traditionnelles entre danse, théâtre et performance.
Premier constat : plusieurs de ces formes expérimentales font référence à l’intime. C’est notamment le cas de petites formes où les auteurs interprètes se présentent seuls sur scène pour raconter, à travers des procédés narratifs non linéaires, une part de leur expérience personnelle. Le brésilien Volmir Cordero nous fait entrer dans une galerie personnelle et non conventionnelle de portraits décharnés ; la Grecque Lenio Kaklea part d’une autofiction pour interroger la mémoire et son rapport à l’argent ; l’américaine Eleanor Baeur voyage à travers les strates de sa personnalité, entre engagement politique et passion pour la danse ; Arnaud Saury nous raconte l’histoire d’un amour dévasté où le réel est mis à l’épreuve par des actions décalées.
Ces formes légères adoptent une construction dramaturgique émiettée, proche du kaléidoscope. Leur challenge est de contrer la superficialité que pourrait leur conférer leur courte durée en créant, avec peu de moyens techniques, un climat et un univers singulier. C’est notamment le cas avec Ciel de Volmir Cordero. Sa performance, très expressive, capte l’attention. On se perd un peu dans l’humanité qu’il nous décrit, entre folies et dérives, mais on est touché par cette échappée dans son monde nocturne, peuplé de travestis et de vagabonds.
Autre point fort de ce festival : l’utilisation de procédés pantomimiques qui font avancer une narration ou nourrissent un propos politique. C’est ainsi que dans Démocratie, Maud Le Pladec, joue sur les interactions entre cinq danseurs et un quatuor de batteries. Elle cherche à créer une communauté d’individus où chacun gravite comme un électron libre, à la recherche d’une solidarité polémique. Cependant, si la performance musicale est assez convaincante, la danse se révèle assez pauvre tant elle se contente de traduire assez platement des mouvements musicaux nés, quant à eux, dans une réelle complicité.
Deux autres productions répondent à cette tendance : Domino de la compagnie grecque Vasistas, et Marzo, né d’une collaboration entre Kuro Tanino, Yuichi Yokoyama et le collectif italien Dewey Dell. Mais là encore, la prestation déçoit. Dans Domino, les acteurs miment de façon exagérée et un tantinet vieillotte des standards de la musique américaine. Le procédé se répète et sa facilité ne donne aucun relief au propos. Si l’on perçoit dans cette pièce visuelle et en mouvement des effets de groupe intéressants, on sent toutefois une certaine lacune dans le traitement individuel des performeurs. Nous n’arrivons ni à nous attacher à des personnages, ni à nous identifier à leur histoire. Une très grande distance est mise entre le traitement dramaturgique et le spectateur.
Cette mise à distance est gênante car elle peut devenir le symptôme d’un manque de générosité. Tant dans Démocratie que dans Domino, le propos politique est matérialisé sur scène de façon assez conventionnelle et ne se base pas sur un travail de la matière scénique et chorégraphique. Plus grave, et c’est le cas de Marzo, cette façon assez simpliste de faire avancer une narration se révèle plutôt rétrograde. Ce ballet aux accents dadaïstes et au kitch assumé met en scène des personnages qui miment des émotions, des actions ou des situations. Cette écriture ne regorge pas de trouvailles telles que l’on pourrait l’attendre d’une production présentée dans le cadre de ce festival.
De fait, on ressort un peu mitigé de cette quatrième édition. Là où l’on attendait une vrai force d’innovation, on a quelquefois trouvé des propositions assez conventionnelles et sans grand relief. Cependant, l’association Komm’n’act, porteuse du festival Parallèle, offre un accompagnement et une fenêtre de visibilité remarquable à certains projets nouveaux et de qualité. Premier festival d’importance après l’année Capitale, le festival Parallèle a réussi son pari : donner un public à des formes expérimentales et pluridisciplinaires.
Quentin GUISGAND
1- Democraty 2- Big girls do big things / Copyright les artistes / Photos Agnès Melon